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  • Établis 23, rue Royale, à Lyon, Devaux et Bachelard, successeurs de Million et Servier, maison fondée en 1813, s'étaient fait une spécialité dans la haute nouveauté en tissus de soie unis, façonnés, velours et imprimés pour robe et confection. La maison avait été récompensée d'une Médaille d'or à l'Exposition universelle de Paris de 1855 et à l'Exposition internationale industrielle d'Amsterdam, en 1883 ; d'une Grande médaille aux Expositions universelles de Londres, en 1862, de Paris, en 1867, de Vienne, en 1873, de Philadelphie, en 1877, et de Melbourne, en 1880. Elle participe encore à l'Exposition universelle de 1889, à Paris, où elle triomphe à nouveau en obtenant une nouvelle Médaille d'or. L'Exposition universelle de 1889 est apparue à Édouard Aynard, alors vice-président de la Chambre de Commerce de Lyon, « comme une date mémorable dans les annales de la Fabrique lyonnaise, par l'éclat qu'elle a jeté sur notre industrie et par les progrès qu'elle a révélés soit dans l'art du tissage, soit dans l'art appliqué aux étoffes de soie. » Édouard Aynard est un témoin important de cet événement, puisqu'il rédige une étude intitulée Exposition universelle de 1889. Comité départemental du Rhône. Lyon en 1889. Introduction au rapport de la section d'économie sociale dans laquelle il analyse la situation de la Fabrique lyonnaise à la date où se tient l'Exposition. Il y souligne l'excellence de la production, mais il estime dans un premier temps que, pour « les principes du décor [...], [...] l'originalité dans la conception est contestable. Nos fabricants copient fort habilement et servilement d'anciens modèles, ou bien s'adressent trop souvent aux cabinets de dessin de Paris pour les articles dits de haute nouveauté. On invoquera à cet égard les caprices de la mode et le despotisme du marché parisien ; mais l'industrie lyonnaise n'est-elle pas de force à dominer l'une et l'autre, et n'est-il pas anormal, inquiétant, qu'une grande industrie d'art n'ait point ses moyens artistiques chez elle et sous sa main, qu'elle sacrifie sa liberté d'invention et de recherche ? En ce qui touche l'imitation littérale des étoffes anciennes, qui reproduit jusqu'à la décoloration triste que le temps a apportée, assurément elle vaut mieux que de méchantes compositions. Cependant, les vieux maîtres doivent être consultés et non copiés ; ce sont des inspirations et non des modèles à décalquer. » Mais une « Note rectificative » est ajoutée par Édouard Aynard à son rapport, après qu'il a découvert les étoffes produites par les exposants : « Les quelques pages qui précèdent étaient écrites avant l'ouverture de l'Exposition universelle. L'examen attentif de la section lyonnaise des soieries nous contraint à une heureuse rectification. Tout en proclamant la supériorité évidente de notre Fabrique, nous avions cru devoir formuler quelques réserves, au point de vue de l'originalité de ses conceptions artistiques. Ces réserves doivent être notablement atténuées, en présence de ce que l'Exposition vient de révéler. Pendant ces dernières années, nos fabricants ont fait un énergique effort, et tout en vivant à côté d'eux, nous n'avions pu, avant de voir l'ensemble de leurs produits, mesurer toute leur puissance de renouvellement. Il est incontestable que les superbes étoffes, si variées et de séductions si diverses, exposées dans la section lyonnaise, témoignent un progrès considérable dans le dessin, la composition et surtout dans le coloris. Il ne serait pas tout à fait juste d'assurer qu'en ce qui touche la valeur de l'art, notre Fabrique est dès à présent à la hauteur qu'elle occupait au XVIIIe siècle ; mais on peut affirmer que tout en accomplissant l'énorme tâche de se transformer en grande industrie, elle a pu progresser largement dans l'art et dans le goût, et regagner une très grande partie de terrain perdu de ces côtés, depuis le commencement du siècle. Nos fabricants d'étoffes artistiques et de haute nouveauté et leurs excellents collaborateurs-ouvriers font grandement honneur en ce moment à la ville de Lyon. Ils remportent à l'Exposition universelle un succès tout à fait éclatant et de bon aloi, qu'on est trop heureux de reconnaître et de saluer de tout cœur. » Le vice-président de la Chambre de Commerce est si impressionné par la qualité des façonnés exposés par les fabricants lyonnais qu'il leur enjoint, dans une lettre circulaire datée du 9 octobre 1889, de réserver au musée d'Art et d'Industrie les échantillons les plus remarquables qu'ils avaient fait figurer à l'Exposition. La maison Devaux et Bachelard répond favorablement à cet appel. Elle est précisément l'un des principaux artisans de ce renouvellement des décors qui réjouit Édouard Aynard, et se spécialise même dans les sujets originaux pour la haute nouveauté. Elle donne au musée un ensemble d'étoffes — un pékin damassé, broché argent, fond satin, intitulé Roseaux (inv. MT 24857) ; un damas fond satin intitulé Lilas blanc (inv. MT 24858) ; un damas fond satin broché argent intitulé Nuages et étoiles (inv. MT 24859) ; le damas fond satin Arbres dépouillés et effet de neige ; un pékin damassé satin et armure Royale à fleurs (inv. MT 24861) ; un damas broché fond satin intitulé Dahlia de Nangasaki (inv. MT 24862) ; un damas broché fond satin intitulé Lys martagon (inv. MT 24863) ; un damas lamé fond satin intitulé Pensées stylisées (inv. MT 24864) ; et un damas bordure par un chemin en avant, un chemin à retour, fond satin, à fleurs (inv. MT 24865) — dont le choix lui-même révèle l'audace et l'innovation qui guident sa production. Rappelons qu'au moment où s'opère cette évolution, trois jeunes gens travaillent au sein de cette maison, Pierre-François Atuyer, Charles Bianchini et François Férier. Ils quittent la maison Devaux et Bachelard pour fonder leur propre entreprise en 1888, sous la raison commerciale Atuyer, Bianchini et Férier, qui expose pour la première fois à Paris en 1889 (inv. MT 24839, MT 24840 et 24841). Ils contribueront à la modernisation de la Fabrique lyonnaise au tournant du XXe siècle. Comme le souligne Adrien Storck, le commentateur des soieries lyonnaises à l'Exposition universelle de 1889, l'événement parisien consacre le nouvel intérêt des fabricants pour la fleur, traitée de manière naturaliste, comme un défi aux contraintes des métiers utilisés pour tisser les façonnés. « Les créateurs de cette décoration nouvelle n'ont point cherché les fleurs impossibles, les feuillages fantastiques, les ornements bizarres. Ils ont regardé autour d'eux et trouvé, dans les fleurs de nos jardins, les gracieux modèles que la nature mettait sous leurs yeux. C'est cette simplicité et le goût délicat qui ont frappé dans la décoration de la plus grande partie de nos étoffes à l'Exposition de 1889. La nature est prise sur le vif avec une sincérité, une véracité qui font illusion parfois. » Le Lys martagon ou le Lilas blanc de la maison Devaux et Bachelard donnés au musée à l'issue de l'événement appartiennent à cette catégorie. Mais les tiges fleuries ou les branches portant des inflorescences en grappes sont organisées sur la laize de manière à créer un rythme qui s'adapte à la confection. D'autres fleurs, comme les Pensées, sont même stylisées d'une manière qui paraît être un hommage original aux siècles passés. Adrien Storck, commentant ce modèle, indique : « Ces pensées de forme hiératique nous font songer aux nobles dames d'antan, fermes en leurs chaires de bois sculpté, la figure sereine et sans expression, les mains symétriquement posées, la robe tombante en plis rigides, le hénin s'en allant fixer un point de l'axe de l'image. C'est de l'étoffe Moyen Âge, avec tous les caractères d'archaïsme appropriés à son but spécial. » De nouvelles sources d'inspiration se font sentir à l'Exposition universelle de 1889. Le japonisme commence à s'imposer, comme le révèlent le Dahlia de Nangasaki ou les Roseaux. D'autres maisons, à la même Exposition, produisent aussi des étoffes pour l'habillement où s'épanouissent des décors japonisants, à base de fleurs de chrysanthèmes par exemple, comme les maisons Atuyer, Bianchini et Férier (inv. MT 24839), Gourd et Cie (inv. MT 24894), Lamy et Giraud (inv. MT 24949) ou Brunet-Lecomte, Moïse et Cie (inv. MT 25021). C'est aussi le Japon qui inspire des compositions parfaitement innovantes, où l'influence des estampes est évidente, comme Nuages et étoiles ou, bien sûr, Arbres dépouillés et effet de neige. Sur cette dernière laize, le rapport de dessin, haut de trois cent vingt-huit millimètres sur trois cent quatre vingts millimètres de large, est cependant basé, malgré l'originalité des motifs, sur le principe du ruban sinueux, caractéristique de la soierie lyonnaise depuis le XVIIIe siècle. À l'Exposition internationale de Lyon, en 1894, sous la raison J. Bachelard et Cie, la maison confirme cette inspiration japonaise avec quatre laizes remarquables, deux velours aux décors étonnamment modernes, le Coucher de soleil ombré (inv. MT 25821) et les Stalactites (inv. MT 25822), et deux satins brochés, les Chrysanthèmes sur fond noir (inv. MT 25823) et les Hirondelles ombré (inv. MT 25824). Elle est gratifiée d'un Grand prix qui consacre son travail. Maximilien Durand (fr)
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