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| - En 1862, la Chambre de Commerce de Lyon faisait l'acquisition pour son jeune musée d'Art et d'Industrie, avant même son ouverture au public, de deux fonds remarquables, constitués par Jules Reybaud, dessinateur de fabrique, et par François Bert, professeur de théorie. Dans chacun de ces cabinets, constitués par des amateurs éclairés, figuraient des chefs-d'œuvre de Philippe de Lasalle (1723-1804), de Gaspard Grégoire (1751-1846), de Jean-François Bony (1754-1825) ou de Gabriel Dutillieu (1757-1828).
Plusieurs œuvres de la main de Jean-François Bony, issues de ses ateliers ou réalisées sur ses dessins, ont ainsi rejoint les collections du musée. De la collection Reybaud proviennent, par exemple, un grand projet de tenture à la gouache pour un salon des petits appartements de l'impératrice Marie-Louise à Versailles (inv. MT 1125), une bordure à courant d'églantines et ruban pour une tenture brodée (inv. MT 1294), une bordure fond carrelé vert pomme à décor de roses et de lilas commandée pour le meuble d'été de la chambre de Marie-Antoinette à Versailles, exécutée par Marie-Olivier Desfarges (inv. MT 1404), un lampas, fond cannetillé, broché à plusieurs lats, à dessin de branches de roses (inv. MT 1391) ou encore un taffetas moiré à fond blanc, ombré le long des lisières, avec un décor broché à liages repris de branches de prunier dans le goût chinois (inv. MT 1403). La collection Bert comprenait aussi plusieurs œuvres de Jean-François Bony, parmi lesquelles de nombreuses broderies sortant de ses ateliers, tentures (inv. MT 2828, MT 2829, MT 2830 et MT 2832), tableaux (inv. MT 3019 et MT 3020) ou échantillons pour gilets ou pour bas de robes (inv. MT 2831, MT 2948, MT 2949, MT 2950, MT 2952, MT 2953, MT 2955, MT 2956, MT 2957, MT 2959, MT 2960, MT 2961, MT 2962, MT 2964, MT 2965, MT 2966, MT 2967, MT 2969, MT 2999, MT 3000, MT 3001, MT 3002, MT 3003, MT 3006, MT 3007, MT 3008, MT 3009, MT 3023, MT 3024, MT 3025, MT 3026, MT 3027, MT 3030 et MT 3031).
La bordure pour tenture brodée faisait partie de la collection de François Bert. Dans l'inventaire manuscrit des pièces acquises en 1862, elle est attribuée à Jean-François Bony. Célèbre dessinateur de fabrique, ce dernier a exercé tout au cours de sa prolifique carrière l'activité de brodeur, et plusieurs chefs-d'œuvre brodés son sortis de ses ateliers. Les plus connus sont évidemment les étoffes exécutées pour un salon des Petits Appartements de l'impératrice Marie-Louise au Palais de Versailles, commandées en 1811 et livrées en 1812. Elles sont aujourd'hui conservées au Mobilier national, à Paris (inv. GMMP 28, GMMP 29, GMMP 30, GMMP 31, GMMP 32 et GMMP 33). Le musée des Arts décoratifs de Lyon a naguère pu faire l'acquisition de deux projets à la gouache pour cet ensemble (inv. MAD 2012.2.1 et MAD 2012.2.2).
La bordure de la collection Bert a été exécutée sur un fond de satin vert, utilisée dans toute la largeur de la laize. Les lisières sont donc conservées, et ces dernières présentent une particularité qui confirme l'attribution à Jean-François Bony de cet élément. Elles sont, en effet, tissées en gros de Tours de deux fils (natté 2/2) à décor à poil traînant en chevron. Cette contexture est rare, pour des lisières, mais on la trouve sur une laize de satin, brodée à décor de velours peint appliqué avec rhyton et ornements, également réalisée par Jean-François Bony vers 1809-1810 (inv. MT 2832). Plusieurs dessins préparatoires pour cette tenture sont d'ailleurs contenus dans un carnet de dessins utilisé par l'artiste entre 1802 et 1816 et conservé au musée des Tissus (inv. MT 27638). Ce carnet contient aussi différents projets de bordures, dont certains présentent de grandes similitudes avec l'exemplaire brodé de la collection Bert. Au folio 73, par exemple, des projets à la mine de plomb et à la gouache préparent des bordures en velours ciselé, fond satin, certainement imaginées pour les métiers des cousins André Bissardon et Jean-Pierre Bissardon, avec lesquels Jean-François Bony s'était associé en 1811 pour répondre aux grandes commandes envisagées par Napoléon Ier. Dans la partie supérieure du folio, un projet de bordure, accompagné de l'indication « fond or et sujet velours ou fond satin/ et sujets velours coupé et frisé » présente une composition très comparable à celle de la bordure brodée. Des enroulements de tiges feuillues donnent naissance à un ananas, alternant avec une palmette cantonnée de deux larges feuilles. Sur la bordure brodée, des feuilles d'acanthe, disposées en partie inférieure, s'enroulent pour donner naissance à un bouquet de reines marguerites et de fleur en clochettes, alternant avec des touffes de primevères stylisées cantonnées de feuilles. La structure de la composition, sur les deux exemples, est identique, même si le répertoire décoratif est différent (ananas/reines marguerites ; palmettes/bouquets de primevères).
La broderie elle-même est exécutée au point de chaînette. Type de point qui est souvent utilisé par Jean-François Bony pour les broderies d'ameublement, alors qu'il privilégie le passé plat, le passé empiétant et plus ponctuellement le point de tige et le point de nœud pour l'habillement. L'essentiel du décor est exécuté en cordonnet de soie de couleur crème et jaune, et les cœurs des fleurs sont rehaussés de chenille de soie marron, jaune et crème.
La collection du musée des Tissus et du musée des Arts décoratifs de Lyon est très riche d'œuvres de Jean-François Bony, dessins, projets gouachés, échantillons de broderie, tentures brodées, étoffes façonnées exécutées d'après ses dessins, et jusqu'à son autoportrait en miniature, à la gouache sur ivoire, qui a pu rejoindre récemment les fonds du musée des Tissus (inv. MT 2014.3.7). Elles permettent de reconstituer les étapes d'une brillante carrière au sein de la Fabrique.
Maximilien Durand (fr)
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