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  • La Bouquetière (fr)
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  • En 1787, l'abbé Pierre Bertholon, dans son ouvrage Du commerce et des manufactures distinctives de la ville de Lyon, publié à Montpellier, rappelle les progrès que Philippe de Lasalle, dessinateur, fabricant et négociant, a introduits dans le tissage des étoffes riches, par ses talents de dessinateur et par ses inventions (p. 195-196) : « Cet illustre dessinateur et fabricant, bien digne des honneurs et des bienfaits que le Souverain a versés sur lui, profitant des coups de lumière que Revel avait donnés, se fraya une route nouvelle par des nuances mélangées résultantes de la multiplication des lacs. On vit alors sur les étoffes, ce qui étonna, des fleurs et des fruits imitant parfaitement la nature, des pêches avec leur velouté, des raisins avec leur transparent, des oiseaux avec toute la richesse et la pompe de leur coloris, des paysages charmants où les lointains habilement placés faisoient l'illusion la plus ravissante. Jusqu'à lui, on avait jamais exécuté ces brillantes représentations avec cette correction, cette légèreté et cette fraîcheur dans le dessin qui le caractérisent. » L'abbé Bertholon rappelle ensuite les plus grands chefs-d'œuvre sortis des métiers de Philippe de Lasalle : « De cette Manufacture sont sortis les ornements pour le Sacre de Louis XVI, les belles étoffes connues sous le nom de la Renommée, du Jardinier, de la Bouquetière, etc... charmantes compositions ; mais pour l'effet et la magnificence, rien n'est comparable au faisan et au paon de la Chine. » Il ajoute : « Cet habile négociant a aussi exécuté sur le métier les portraits de Louis XV, celui de Madame et de l'Impératrice de Russie, avec une vérité étonnante. Ce n'est plus la palette et le pinceau qui, par le secours des couleurs, représentent les traits des Personnes chéries, c'est l'humble navette sous les doigts même de l'ouvrier le plus ignorant, et presque sous ceux d'un automate. Pour tracer sur le métier un portrait de la plus parfaite ressemblance, même sans la magie des couleurs, il n'emploie que le blanc et le gris nuancé avec art, c'est-à-dire le blanc jusqu'au gris foncé qui forme cinq gradations. Les cinq nuances de gris en forment dix par la manière de peindre le portrait sur le papier réglé, en formant les hachures. Par ce moyen si simple, le bas-relief est si bien imité et l'illusion est tellement complète qu'on a peine à en revenir, lors même qu'on en est averti. » Philippe de Lasalle est toujours actif au moment où ce texte est écrit, et sa réputation est telle qu'on associe son nom, chose inédite alors, à des étoffes que chacun peut reconnaître, portant même des titres (La Renommée, Le Jardinier, La Bouquetière, Le faisan et le paon de Chine...) comme s'il s'agissait de véritables œuvres d'art. La comparaison avec les Beaux-Arts est même clairement établie lorsque l'auteur évoque le Portrait de Louis XV (inv. MT 45306), celui de la comtesse de Provence (inv. MT 45307) et celui de Catherine II (inv. MT 2869). La Bouquetière et son pendant, Le Jardinier (inv. MT 1284), avec Le petit joueur de cornemuse (inv. MT 1281), appartiennent à une série d'étoffes, auxquelles il faut ajouter le médaillon avec Vénus couronnant la fidélité (inv. MT 9189), créées d'après les gravures de dessins de François Boucher (1703-1770), diffusées par Gilles Demarteau (1722-1776) vers 1770. La jeune bouquetière est une gravure en manière de crayon, impression sanguine (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 19216 LR et 19217 LR) ou impression en noir (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 19218 LR). La figure de la bouquetière est représentée par Philippe de Lasalle dans le sens opposé à celui de la gravure, mais la position de la jeune femme et son costume sont identiques à ceux du modèle. Le Lyonnais a cependant adapté l'original : l'environnement de la bouquetière, par exemple, a été entièrement transformé. La petite barrière de bois esquissée en arrière-plan de la gravure et le chemin champêtre ont disparu. La figure prend place, sur l'étoffe, au milieu d'un paysage composé d'une terrasse au milieu de laquelle serpente un ruisseau, avec un tronc couché au premier plan, des fleurs des champs bleues et une touffe d'herbe. À l'arrière-plan se trouve un parapet de pierre supportant une corbeille de fleurs. Une longue tige, chargée de fleurs de convolvulus, ploie sous le poids d'une cage suspendue à un ruban, devant laquelle est posé un oiseau. Au lointain, à droite de la composition, un petit bosquet émerge d'une touffe d'herbes hautes. Par rapport à la gravure, l'autre modification majeure est la position du visage de la bouquetière, de profil sur l'étoffe. Elle répond ainsi au jardinier avec lequel elle forme pendant, lui aussi représenté de profil, et les deux figures peuvent être associées au sein d'un même médaillon, dans un tendre dialogue (inv. MT 2876.1 et MT 2920). La scène s'inscrit dans un médaillon dont la couronne, imitant un cadre de bronze doré, est ornée d'une tresse à deux brins et d'une bordure dentelée. Il est suspendue par une bélière à un ruban rose, dont le nœud retient les tiges de deux bouquets qui tombent en gerbe de part et d'autre du médaillon. Ils sont retenus, sur les côtés, par deux autres anneaux, et leurs extrémités repassent dans un quatrième, en partie inférieure, pour former une petite couronne elle-même nouée par l'extrémité du ruban rose soutenant le grand médaillon destiné à former la répétition du rapport de dessin. Le principe du médaillon fleuri a été utilisé avec succès par Philippe de Lasalle entre 1771 et 1773 pour la série des portraits en camïeu, inaugurée avec celui de l'impératrice Catherine II (inv. MT 2869), poursuivie avec ceux de Louis XV (inv. MT 45306) et du comte de Provence (inv. MT 2856), augmentée avec celui de la comtesse de Provence (inv. MT 45307) et achevée avec celui du comte d'Artois (inv. MT 2857). C'est aussi durant ces années que Philippe de Lasalle élabore ses modèles inspirés par les gravures de dessins de François Boucher par Gilles Demarteau, comme en témoigne, notamment, la laize avec le Petit joueur de cornemeuse du musée des Tissus, un satin de 8, chaîne (décochement 3), broché à plusieurs lats à liage repris par deux fils en sergé (de 3 lie 1, S), qui présente une trame de fond en lin dans un tissage sur chaîne en soie, avec des trames brochées en soie ou en schappe. Pour indiquer qu'il s'agit d'une étoffe « mélangée », l'une des lisières est rayée de noir. Les étoffes produites par Philippe de Lasalle à partir de 1771 et jusqu'en 1773 présentent cette double particularité d'être mélangées (trame de fond en lin ou en coton, présence de schappe en plus de soie continue) et de comporter une des deux lisières rayée de noir. En 1771, en effet, la Fabrique lyonnaise subissait une nouvelle crise, dont les causes et les effets sont rappelés par le mémoire qu'adressent, en mars 1772, les maîtres ouvriers à Jean-Charles-Philibert Trudaine de Montigny (1733-1777), car « les cris et les gémissements continuels d'un corps d'ouvriers le plus considérable du Royaume [...] ne leur permettent plus de garder le silence. » Tous les « maux » qui accablent la Fabrique sont alors rappelés : les deuils successifs qui ont affecté les cours européennes, la trop grande quantité d'étoffes fabriquées à l'occasion du mariage du dauphin et restée invendue, la guerre dans les pays du Nord qui ferme les principaux débouchés, les progrès des manufactures étrangères que l'émigration des ouvriers de Lyon « fortifie et perfectionne tous les jours », les mauvaises récoltes qui augmentent le prix des soies..., autant de causes qui expliquent « une cessation presque générale dont la durée ne fut jamais si considérable en aucun temps » (Paris, Archives nationales, F121441). Philippe de Lasalle est alors en train de perfectionner le métier à semple amovible qu'il a inventé et qui lui permet, tout en renouvelant le dessin, d'abaisser les coûts de production. Par ailleurs, il imagine de produire des meubles en satin ou en cannetillé, brochés à plusieurs lats, dont les trames de fond, peu visibles, sont en matériaux moins chers que la soie (schappe lattée de coton, coton ou lin), et les trames brochées en schappe, pour les couleurs les plus sombres, afin de réaliser des étoffes à prix véritablement compétitif. Le premier exemple de ce type de meubles est vraisemblablement la tenture dite « Les Perdrix » (inv. MT 2882), qu'il est en train de tisser lorsqu'il invite, en 1772, les maîtres-gardes de Lyon à se rendre à son domicile, rue Royale, au premier étage, pour examiner le métier de son invention à semple mobile, permettant de produire aisément de grands rapports de dessin sur la hauteur d'une laize. Les deux semples amovibles divisent le décor en deux parties correspondant chacune à plus de cinquante centimètres d'étoffe. Les maîtres-gardes sont impressionnés par ce système et par cette « étoffe fond carrelé bleu, brochée soye, a plusieurs lats, dont le dessein contenoit soixante dizaines » (Paris, Archives nationales de France, F121444A, Procès-verbal dressé par les maîtres-gardes, 9 novembre 1772). Cette tenture a été livrée à Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, pour le Palais Bourbon, et elle a été utilisée pour le Salon d'attente de Bathilde d'Orléans, duchesse de Bourbon, la fille du prince et l'épouse de Louis-Henri de Bourbon-Condé. En 1773, elle fut aussi livrée à l'impératrice de toutes les Russies, Catherine II. Elle fut utilisée pour le Boudoir au premier étage du Grand Palais de Peterhof. Cette même année 1773, Philippe de Lasalle livre aussi à l'impératrice une autre étoffe remarquable, la tenture dite « de Tchesmé » (inv. MT 2886), elle aussi réalisée grâce au métier à semple mobile au moyen de soie, de coton et de schappe. Le prix de cette tenture, consigné dans les Archives de la maison impériale (РГНА, Ф 468, оп. I. Д. 3888, 1773 г., л. 156/RGIA, F. 468, liste 1, n° 3888, 1773, p. 156), paraît, en effet, dérisoire (dix roubles cinquante kopecks par archine) par rapport au coût de la tenture dite « au Paon et au Faisan » (inv. MT 1278), livrée en 1778 pour vingt-cinq roubles l'archine. Cette capacité de Philippe de Lasalle à maintenir son activité durant la grande crise de 1771-1772 grâce à l'invention du semple amovible et à la production d'étoffes mélangées, en soie, coton ou lin et schappe, a peu été soulignée. Elle est pourtant remarquée par ses contemporains. Au début de l'année 1778, Philippe de Lasalle fait rappeler l'état de ses travaux au Directeur général des Finances (Archives nationales de France, F121444A, 6 janvier 1778). Parmi les services qu'il a rendus à la Fabrique lyonnaise, il rappelle qu'« il a fait considérablement travailler les ouvriers de Lyon en étoffes pour meubles pour la Russie, ou il entrait très peu de soye, beaucoup de main d'œuvre et dont les fleurs s'exécutoient avec le rebus des cocons qu'il faisoit filer. » Il obtient peu de temps après une gratification de six mille livres, dont Jacques Necker l'informe dans une lettre datée du 13 juin, où il précise : « Je sçais aussi que vous avés créé dans la partie des meubles une branche de Commerce qui dans des tems de cessation de travail a occupé un grand nombre d'ouvriers et que vous avés été autorisé à cette occasion par le Conseil a sortir des règles prescrites par les Reglemens de la Fabrique en vous assujettissant a une marque distinctive ; les remerciemens que vous ont faits en 1772 les syndics et Mrs Gardes de la fabrique de Lyon à l'occasion du portrait de Louis XV exécuté en étoffes dont vous avés faits présent à cette Com(munau)té prouvent jusqu'à quel point vous avés porté l'art du dessein et de la fabrication. » Necker s'est préalablement fait remettre un rapport (Archives nationales de France, F121444A) sur Philippe de Lasalle, dans lequel on apprend que le fabricant fut autorisé à « s'écarter des méthodes usitées de fabriquer les étoffes, en mettant une marque distinctive, pour laisser à son génie l'essort dont il avait besoin, et l'on a vu sortir de son pinceau des chefs-d'œuvre dans le genre d'étoffes pour meubles, en matière de laine, fil et bourre de soye qu'il faisait préparer à sa manière, ce qui a prodigieusement occupé de bras dans des temps mesme de cessation d'ouvrages et ses étoffes ont orné les Palais des Rois et ceux de l'impératrice de Russie qui a considérablement fait travailler la ville de Lyon dans cette nouvelle branche d'industrie. » Plusieurs tentures conservées au musée des Tissus sont des étoffes mélangées, comme la laize de satin jaune, broché de fleurs nuancées (inv. MT 2879), celle en damas gros de Tours, fond crème, broché d'un bouquet nuancé noué par un ruban bleu (inv. MT 2866), celle en damas gros de Tours, fond bleu, broché d'un bouquet nuancé noué par un ruban rose (inv. MT 24591.2), celle en satin ponceau, broché de fleurs nuancées (inv. MT 2867), la tenture dite « aux tourterelles dans des fleurs » sur fond de satin jaune (inv. MT 2871), la tenture dite « aux colombes », sur fond satin ponceau (inv. MT 29688) ou la tenture « au faisan doré » (inv. MT 1286 et MT 36453), indiquant que ces étoffes ont été produites entre 1771 et 1773, durant la crise subie par la Fabrique lyonnaise qui incita Philippe de Lasalle à demander l'autorisation au Conseil de « sortir des règles prescrites par les Reglemens de la Fabrique » en produisant des étoffes mélangées, notamment pour l'exportation vers la Russie, à la condition de s'assujettir « a une marque distinctive. » La présence d'une lisière noire, sur un côté de la laize, permettait de distinguer à l'œil nu les étoffes mélangées, soie, schappe et coton ou soie, schappe et lin, produites durant la grande crise de la Fabrique lyonnaise par Philippe de Lasalle. Les étoffes exécutées par le fabricant après cette crise, tout en soie, ne présentent plus cette particularité. Plusieurs des modèles élaborés par Philippe de Lasalle durant ces années ont cependant été en production tout au cours de la décennie 1770 et au-delà. C'est le cas, par exemple, de La Bouquetière. L'exemplaire du musée des Tissus est un satin de 8, chaîne (décochement 3), broché à plusieurs lats à liage repris en sergé de 3 lie 1, S (par un sixième des fils). C'est une contexture extrêmement fréquente dans les étoffes produites par Philippe de Lasalle. Mais le tissage est tout en soie et les deux lisières sont identiques (chacune composée de six cordelines en cordonnet de soie crème, croisant avec la trame de fond, puis de mignonnette en satin, en organsin vert. Le tissage a donc été exécuté après 1773 pour cet exemplaire. Ce dernier a été acquis en 1862 par le très jeune musée d'Art et d'Industrie avec la remarquable collection de François Bert, professeur de théorie, dans laquelle figuraient plusieurs chefs-d'œuvre de Philippe de Lasalle. Il est un des rares exemplaires originaux de ce modèle dans les collections publiques. Maximilien Durand (fr)
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  • 34057
P3 has note
  • En 1787, l'abbé Pierre Bertholon, dans son ouvrage Du commerce et des manufactures distinctives de la ville de Lyon, publié à Montpellier, rappelle les progrès que Philippe de Lasalle, dessinateur, fabricant et négociant, a introduits dans le tissage des étoffes riches, par ses talents de dessinateur et par ses inventions (p. 195-196) : « Cet illustre dessinateur et fabricant, bien digne des honneurs et des bienfaits que le Souverain a versés sur lui, profitant des coups de lumière que Revel avait donnés, se fraya une route nouvelle par des nuances mélangées résultantes de la multiplication des lacs. On vit alors sur les étoffes, ce qui étonna, des fleurs et des fruits imitant parfaitement la nature, des pêches avec leur velouté, des raisins avec leur transparent, des oiseaux avec toute la richesse et la pompe de leur coloris, des paysages charmants où les lointains habilement placés faisoient l'illusion la plus ravissante. Jusqu'à lui, on avait jamais exécuté ces brillantes représentations avec cette correction, cette légèreté et cette fraîcheur dans le dessin qui le caractérisent. » L'abbé Bertholon rappelle ensuite les plus grands chefs-d'œuvre sortis des métiers de Philippe de Lasalle : « De cette Manufacture sont sortis les ornements pour le Sacre de Louis XVI, les belles étoffes connues sous le nom de la Renommée, du Jardinier, de la Bouquetière, etc... charmantes compositions ; mais pour l'effet et la magnificence, rien n'est comparable au faisan et au paon de la Chine. » Il ajoute : « Cet habile négociant a aussi exécuté sur le métier les portraits de Louis XV, celui de Madame et de l'Impératrice de Russie, avec une vérité étonnante. Ce n'est plus la palette et le pinceau qui, par le secours des couleurs, représentent les traits des Personnes chéries, c'est l'humble navette sous les doigts même de l'ouvrier le plus ignorant, et presque sous ceux d'un automate. Pour tracer sur le métier un portrait de la plus parfaite ressemblance, même sans la magie des couleurs, il n'emploie que le blanc et le gris nuancé avec art, c'est-à-dire le blanc jusqu'au gris foncé qui forme cinq gradations. Les cinq nuances de gris en forment dix par la manière de peindre le portrait sur le papier réglé, en formant les hachures. Par ce moyen si simple, le bas-relief est si bien imité et l'illusion est tellement complète qu'on a peine à en revenir, lors même qu'on en est averti. » Philippe de Lasalle est toujours actif au moment où ce texte est écrit, et sa réputation est telle qu'on associe son nom, chose inédite alors, à des étoffes que chacun peut reconnaître, portant même des titres (La Renommée, Le Jardinier, La Bouquetière, Le faisan et le paon de Chine...) comme s'il s'agissait de véritables œuvres d'art. La comparaison avec les Beaux-Arts est même clairement établie lorsque l'auteur évoque le Portrait de Louis XV (inv. MT 45306), celui de la comtesse de Provence (inv. MT 45307) et celui de Catherine II (inv. MT 2869). La Bouquetière et son pendant, Le Jardinier (inv. MT 1284), avec Le petit joueur de cornemuse (inv. MT 1281), appartiennent à une série d'étoffes, auxquelles il faut ajouter le médaillon avec Vénus couronnant la fidélité (inv. MT 9189), créées d'après les gravures de dessins de François Boucher (1703-1770), diffusées par Gilles Demarteau (1722-1776) vers 1770. La jeune bouquetière est une gravure en manière de crayon, impression sanguine (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 19216 LR et 19217 LR) ou impression en noir (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 19218 LR). La figure de la bouquetière est représentée par Philippe de Lasalle dans le sens opposé à celui de la gravure, mais la position de la jeune femme et son costume sont identiques à ceux du modèle. Le Lyonnais a cependant adapté l'original : l'environnement de la bouquetière, par exemple, a été entièrement transformé. La petite barrière de bois esquissée en arrière-plan de la gravure et le chemin champêtre ont disparu. La figure prend place, sur l'étoffe, au milieu d'un paysage composé d'une terrasse au milieu de laquelle serpente un ruisseau, avec un tronc couché au premier plan, des fleurs des champs bleues et une touffe d'herbe. À l'arrière-plan se trouve un parapet de pierre supportant une corbeille de fleurs. Une longue tige, chargée de fleurs de convolvulus, ploie sous le poids d'une cage suspendue à un ruban, devant laquelle est posé un oiseau. Au lointain, à droite de la composition, un petit bosquet émerge d'une touffe d'herbes hautes. Par rapport à la gravure, l'autre modification majeure est la position du visage de la bouquetière, de profil sur l'étoffe. Elle répond ainsi au jardinier avec lequel elle forme pendant, lui aussi représenté de profil, et les deux figures peuvent être associées au sein d'un même médaillon, dans un tendre dialogue (inv. MT 2876.1 et MT 2920). La scène s'inscrit dans un médaillon dont la couronne, imitant un cadre de bronze doré, est ornée d'une tresse à deux brins et d'une bordure dentelée. Il est suspendue par une bélière à un ruban rose, dont le nœud retient les tiges de deux bouquets qui tombent en gerbe de part et d'autre du médaillon. Ils sont retenus, sur les côtés, par deux autres anneaux, et leurs extrémités repassent dans un quatrième, en partie inférieure, pour former une petite couronne elle-même nouée par l'extrémité du ruban rose soutenant le grand médaillon destiné à former la répétition du rapport de dessin. Le principe du médaillon fleuri a été utilisé avec succès par Philippe de Lasalle entre 1771 et 1773 pour la série des portraits en camïeu, inaugurée avec celui de l'impératrice Catherine II (inv. MT 2869), poursuivie avec ceux de Louis XV (inv. MT 45306) et du comte de Provence (inv. MT 2856), augmentée avec celui de la comtesse de Provence (inv. MT 45307) et achevée avec celui du comte d'Artois (inv. MT 2857). C'est aussi durant ces années que Philippe de Lasalle élabore ses modèles inspirés par les gravures de dessins de François Boucher par Gilles Demarteau, comme en témoigne, notamment, la laize avec le Petit joueur de cornemeuse du musée des Tissus, un satin de 8, chaîne (décochement 3), broché à plusieurs lats à liage repris par deux fils en sergé (de 3 lie 1, S), qui présente une trame de fond en lin dans un tissage sur chaîne en soie, avec des trames brochées en soie ou en schappe. Pour indiquer qu'il s'agit d'une étoffe « mélangée », l'une des lisières est rayée de noir. Les étoffes produites par Philippe de Lasalle à partir de 1771 et jusqu'en 1773 présentent cette double particularité d'être mélangées (trame de fond en lin ou en coton, présence de schappe en plus de soie continue) et de comporter une des deux lisières rayée de noir. En 1771, en effet, la Fabrique lyonnaise subissait une nouvelle crise, dont les causes et les effets sont rappelés par le mémoire qu'adressent, en mars 1772, les maîtres ouvriers à Jean-Charles-Philibert Trudaine de Montigny (1733-1777), car « les cris et les gémissements continuels d'un corps d'ouvriers le plus considérable du Royaume [...] ne leur permettent plus de garder le silence. » Tous les « maux » qui accablent la Fabrique sont alors rappelés : les deuils successifs qui ont affecté les cours européennes, la trop grande quantité d'étoffes fabriquées à l'occasion du mariage du dauphin et restée invendue, la guerre dans les pays du Nord qui ferme les principaux débouchés, les progrès des manufactures étrangères que l'émigration des ouvriers de Lyon « fortifie et perfectionne tous les jours », les mauvaises récoltes qui augmentent le prix des soies..., autant de causes qui expliquent « une cessation presque générale dont la durée ne fut jamais si considérable en aucun temps » (Paris, Archives nationales, F121441). Philippe de Lasalle est alors en train de perfectionner le métier à semple amovible qu'il a inventé et qui lui permet, tout en renouvelant le dessin, d'abaisser les coûts de production. Par ailleurs, il imagine de produire des meubles en satin ou en cannetillé, brochés à plusieurs lats, dont les trames de fond, peu visibles, sont en matériaux moins chers que la soie (schappe lattée de coton, coton ou lin), et les trames brochées en schappe, pour les couleurs les plus sombres, afin de réaliser des étoffes à prix véritablement compétitif. Le premier exemple de ce type de meubles est vraisemblablement la tenture dite « Les Perdrix » (inv. MT 2882), qu'il est en train de tisser lorsqu'il invite, en 1772, les maîtres-gardes de Lyon à se rendre à son domicile, rue Royale, au premier étage, pour examiner le métier de son invention à semple mobile, permettant de produire aisément de grands rapports de dessin sur la hauteur d'une laize. Les deux semples amovibles divisent le décor en deux parties correspondant chacune à plus de cinquante centimètres d'étoffe. Les maîtres-gardes sont impressionnés par ce système et par cette « étoffe fond carrelé bleu, brochée soye, a plusieurs lats, dont le dessein contenoit soixante dizaines » (Paris, Archives nationales de France, F121444A, Procès-verbal dressé par les maîtres-gardes, 9 novembre 1772). Cette tenture a été livrée à Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, pour le Palais Bourbon, et elle a été utilisée pour le Salon d'attente de Bathilde d'Orléans, duchesse de Bourbon, la fille du prince et l'épouse de Louis-Henri de Bourbon-Condé. En 1773, elle fut aussi livrée à l'impératrice de toutes les Russies, Catherine II. Elle fut utilisée pour le Boudoir au premier étage du Grand Palais de Peterhof. Cette même année 1773, Philippe de Lasalle livre aussi à l'impératrice une autre étoffe remarquable, la tenture dite « de Tchesmé » (inv. MT 2886), elle aussi réalisée grâce au métier à semple mobile au moyen de soie, de coton et de schappe. Le prix de cette tenture, consigné dans les Archives de la maison impériale (РГНА, Ф 468, оп. I. Д. 3888, 1773 г., л. 156/RGIA, F. 468, liste 1, n° 3888, 1773, p. 156), paraît, en effet, dérisoire (dix roubles cinquante kopecks par archine) par rapport au coût de la tenture dite « au Paon et au Faisan » (inv. MT 1278), livrée en 1778 pour vingt-cinq roubles l'archine. Cette capacité de Philippe de Lasalle à maintenir son activité durant la grande crise de 1771-1772 grâce à l'invention du semple amovible et à la production d'étoffes mélangées, en soie, coton ou lin et schappe, a peu été soulignée. Elle est pourtant remarquée par ses contemporains. Au début de l'année 1778, Philippe de Lasalle fait rappeler l'état de ses travaux au Directeur général des Finances (Archives nationales de France, F121444A, 6 janvier 1778). Parmi les services qu'il a rendus à la Fabrique lyonnaise, il rappelle qu'« il a fait considérablement travailler les ouvriers de Lyon en étoffes pour meubles pour la Russie, ou il entrait très peu de soye, beaucoup de main d'œuvre et dont les fleurs s'exécutoient avec le rebus des cocons qu'il faisoit filer. » Il obtient peu de temps après une gratification de six mille livres, dont Jacques Necker l'informe dans une lettre datée du 13 juin, où il précise : « Je sçais aussi que vous avés créé dans la partie des meubles une branche de Commerce qui dans des tems de cessation de travail a occupé un grand nombre d'ouvriers et que vous avés été autorisé à cette occasion par le Conseil a sortir des règles prescrites par les Reglemens de la Fabrique en vous assujettissant a une marque distinctive ; les remerciemens que vous ont faits en 1772 les syndics et Mrs Gardes de la fabrique de Lyon à l'occasion du portrait de Louis XV exécuté en étoffes dont vous avés faits présent à cette Com(munau)té prouvent jusqu'à quel point vous avés porté l'art du dessein et de la fabrication. » Necker s'est préalablement fait remettre un rapport (Archives nationales de France, F121444A) sur Philippe de Lasalle, dans lequel on apprend que le fabricant fut autorisé à « s'écarter des méthodes usitées de fabriquer les étoffes, en mettant une marque distinctive, pour laisser à son génie l'essort dont il avait besoin, et l'on a vu sortir de son pinceau des chefs-d'œuvre dans le genre d'étoffes pour meubles, en matière de laine, fil et bourre de soye qu'il faisait préparer à sa manière, ce qui a prodigieusement occupé de bras dans des temps mesme de cessation d'ouvrages et ses étoffes ont orné les Palais des Rois et ceux de l'impératrice de Russie qui a considérablement fait travailler la ville de Lyon dans cette nouvelle branche d'industrie. » Plusieurs tentures conservées au musée des Tissus sont des étoffes mélangées, comme la laize de satin jaune, broché de fleurs nuancées (inv. MT 2879), celle en damas gros de Tours, fond crème, broché d'un bouquet nuancé noué par un ruban bleu (inv. MT 2866), celle en damas gros de Tours, fond bleu, broché d'un bouquet nuancé noué par un ruban rose (inv. MT 24591.2), celle en satin ponceau, broché de fleurs nuancées (inv. MT 2867), la tenture dite « aux tourterelles dans des fleurs » sur fond de satin jaune (inv. MT 2871), la tenture dite « aux colombes », sur fond satin ponceau (inv. MT 29688) ou la tenture « au faisan doré » (inv. MT 1286 et MT 36453), indiquant que ces étoffes ont été produites entre 1771 et 1773, durant la crise subie par la Fabrique lyonnaise qui incita Philippe de Lasalle à demander l'autorisation au Conseil de « sortir des règles prescrites par les Reglemens de la Fabrique » en produisant des étoffes mélangées, notamment pour l'exportation vers la Russie, à la condition de s'assujettir « a une marque distinctive. » La présence d'une lisière noire, sur un côté de la laize, permettait de distinguer à l'œil nu les étoffes mélangées, soie, schappe et coton ou soie, schappe et lin, produites durant la grande crise de la Fabrique lyonnaise par Philippe de Lasalle. Les étoffes exécutées par le fabricant après cette crise, tout en soie, ne présentent plus cette particularité. Plusieurs des modèles élaborés par Philippe de Lasalle durant ces années ont cependant été en production tout au cours de la décennie 1770 et au-delà. C'est le cas, par exemple, de La Bouquetière. L'exemplaire du musée des Tissus est un satin de 8, chaîne (décochement 3), broché à plusieurs lats à liage repris en sergé de 3 lie 1, S (par un sixième des fils). C'est une contexture extrêmement fréquente dans les étoffes produites par Philippe de Lasalle. Mais le tissage est tout en soie et les deux lisières sont identiques (chacune composée de six cordelines en cordonnet de soie crème, croisant avec la trame de fond, puis de mignonnette en satin, en organsin vert. Le tissage a donc été exécuté après 1773 pour cet exemplaire. Ce dernier a été acquis en 1862 par le très jeune musée d'Art et d'Industrie avec la remarquable collection de François Bert, professeur de théorie, dans laquelle figuraient plusieurs chefs-d'œuvre de Philippe de Lasalle. Il est un des rares exemplaires originaux de ce modèle dans les collections publiques. Maximilien Durand (fr)
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  • La Bouquetière (fr)
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