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  • Le Testament de Louis XVI (fr)
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  • On sait que l'invention de la mécanique Jacquard fut une entreprise collective, et que l'implantation des métiers possédant cette mécanique dans les ateliers fut assez progressive. Elle semble s'intensifier à partir de 1813, et gagne, autour des années 1820, la confection des grands façonnés. L'amélioration proposée par Étienne Maisiat de cette mécanique assura sans doute le triomphe du procédé, dans le domaine du portrait tissé en tout cas, par les perspectives qu'il laissait deviner. Maisiat naît à Lyon en 1794. Il est choisi pour recevoir une instruction gratuite à l'École de tissage lorsque cette dernière est créée au sein du Conservatoire des Arts. Il s'y révèle l'un des meilleurs élèves de Pierre-Henry Laselve et remporte le « prix de fabrique » en 1812. Il ouvre alors un atelier quai des Flandres et se marie en 1818. Le directeur de la nouvelle école spéciale de commerce fondée à la fin de l'année 1822 le choisit comme premier suppléant de Jacquard pour le cours de « théorie pratique sur métiers pour la fabrication de diverses étoffes de soie » où il enseigne une heure et demie par jour aux côtés du second suppléant, Bourg. Tous deux sont des anciens élèves du Conservatoire. En 1823, Maisiat remporte la médaille de bronze pour avoir présenté à l'Exposition des produits de l'industrie française, au Louvre, un portrait du roi « broché en laine, d'une grande séduction ». Il est nommé professeur en 1824, aux côtés de Jacquard lui-même. C'est en proposant une amélioration significative dans la fabrication des grands façonnés que Maisiat se rend célèbre. En 1827, il entreprend de tisser sur un métier dit « à tringles » deux singuliers tableaux, Le Testament de Louis XVI et La Lettre de Marie-Antoinette à Madame Élisabeth. « Nous aurons bientôt des livres de soie, comme les anciens avaient des livres de toile. M. Maisiat, professeur de théorie pour la Fabrique, a imaginé de faire des étoffes dont le dessin offre une fidèle imitation des produits de l'art typographique ; il prépare pour la prochaine exposition deux pièces de ce genre, l'une contenant le testament de Louis XVI, et l'autre, la lettre de Marie-Antoinette. La foule des curieux se presse dans son atelier pour y voir ce travail », comme l'indique cette annonce parue dans les Archives historiques et statistiques du département du Rhône en 1827 (tome VI, p. 223). Pour démontrer les progrès qu'il avait introduits dans le métier et leurs applications au moment du tissage, Maisiat choisit de tisser des textes, livrant un impressionnant trompe-l'œil de gravure et de typographie. Mais le choix de ces textes révèle aussi sa volonté de séduire le jury parisien de l'Exposition des produits de l'industrie française qui se tient au palais du Louvre. Dès 1793, la gravure du testament de Louis XVI a circulé sous les formes les plus diverses. Avec le retour des Bourbons, le testament participe à la propagande légitimiste, surtout avec son pendant, la dernière lettre de Marie-Antoinette, adressée à Madame Élisabeth, qui fut redécouverte en 1816 seulement. À sa lecture, Madame Royale, duchesse d'Angoulême, s'était évanouie. Les deux tableaux sont, en effet, unanimement admirés lors de leur présentation à l'Exposition. Dernière exposition de la Restauration, elle ouvre ses portes le 1er août 1827 dans les salles et la cour du Louvre. La distribution des récompenses eut lieu le 3 octobre aux Tuileries, dans le Salon de la Paix. L'inventeur du Testament de Louis XVI et de la Lettre de Marie-Antoinette à Madame Élisabeth y obtint une médaille d'or, distinction de première classe. Tour de force technique, qui emploie de fines découpures et des liages presque invisibles et nécessite une extrême régularité de battage, vu les dimensions des tableaux, le procédé de Maisiat permet de donner l'illusion d'une gravure en taille-douce. Le texte du Testament et de la Lettre est en caractères cicéro-romains, ou onze, à deux colonnes, sur format grand in-folio, avec un riche encadrement présentant des ornements dans le goût « étrusque » s'enlevant en camaïeu de gris et de blanc sur fond noir. En partie supérieure est un médaillon contenant le profil à l'antique de Louis XVI, pour le Testament, de Marie-Antoinette, pour la Lettre, entre deux génies de la Renommée dont le corps se termine par des rinceaux. En partie inférieure, l'écusson de France se trouve entre deux griffons. Au milieu des montants latéraux, des médaillons portent le chiffre des souverains, entre deux palmes, sommé de la couronne de France et accompagné des inscriptions « À la postérité » et « 1792 ». Des mufles de lions, dans les écoinçons, et des frises végétales complètent le décor. Sous l'angle gauche de l'encadrement, on lit : A Stepho Maisiat Lugdunensi anno 1827, c'est-à-dire « (Fait) par Étienne Maisiat à Lyon en 1827. » Le musée des Tissus ne conserve que l'exemplaire du Testament de Louis XVI. Le musée du Louvre possède, en revanche, également celui de la Lettre de Marie-Antoinette (inv. OA 11801) et un autre exemplaire de ce dernier est au musée des Arts décoratifs de Bordeaux (inv. 66.941). Les deux tableaux sont réalisés selon la technique du taffetas double-chaîne lancé lié à plusieurs effets. Sur un fond de taffetas produit par une chaîne blanche et une trame blanche se détache un décor produit par une trame de lancé noire, liée régulièrement en sergé 2 lie 1 par les fils d'une chaîne noire. La chaîne noire a été découpée dans les parties unies qui se trouvent en haut et en bas du décor. Elle n'existe pas dans les parties unies latérales. La trame noire n'existe pas non plus dans les bordures unies latérales. Elle se crochète aux limites du décor avec une trame blanche formant une sorte de côtelé différent du taffetas du fond. Le trompe-l'œil est si réussi que le typographe Firmin Didot lui-même s'y méprend quand on lui présente les tableaux tissés : il admire la qualité de l'impression du texte sur la soie, avant d'être détrompé. Il s'agit bien d'un décor tissé, ce dont Didot ne se persuade qu'avec difficulté. La qualité d'exécution des deux portraits des souverains dans les médaillons est également admirée. Étienne Maisiat en exécutera d'ailleurs des versions indépendantes, elles aussi signées, comme en témoignent deux exemplaires du musée des Tissus (inv. MT 2159.1 et MT 2159.2). En 1834, c'est elle qui est mise en avant dans le Rapport du jury central qui mentionne « les plus admirables de tissus de soie que la Fabrique eut encore produits, les deux portraits de Louis XVI et Marie-Antoinette, égalant par le fini la gravure en taille-douce avec le testament de ce prince et la lettre de Marie-Antoinette à Madame Élisabeth. Les caractères des deux écrits étaient tissés avec tant d'art et de précision que l'envers offrait la même pureté de formes et de linéaments que les impressions renversées sur les caractères d'une planche d'imprimerie, et qu'ils égalaient la beauté d'une impression très soignée. Le système de M. Maisiat pour accomplir ce chef-d'œuvre est simple ; il est susceptible d'applications nombreuses qui produiront des effets nouveaux dans le tissage de soieries. » L'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, soucieuse de promouvoir l'industrie lyonnaise, fait établir un rapport sur l'invention de Maisiat en vue de lui décerner une médaille d'encouragement fondée par le duc de Plaisance. Le rapport est lu par Régny dans la séance publique du 13 septembre 1827, tenue dans la salle de la Bourse (réfectoire de l'ancienne abbaye Saint-Pierre). Il décrit ainsi l'invention de Maisiat : « Le principal changement qu'a fait Maisiat dans la disposition du métier consiste dans la suppression des lisses, remplacées par de légères broches en fer qui remplissent leur office avec de notables avantages. Les lisses occupaient trop de place sur le métier pour qu'on pût les multiplier autant que l'auraient exigé certains ouvrages. On ne pouvait guère employer plus de 20 lisses à la fois : le Testament de Louis XVI que vient d'exécuter avec tant de succès M. Maisiat a exigé l'emploi de 48 brochettes, et d'après ce nouveau procédé on pourrait sans inconvénient en porter le nombre à 400 sur un même métier. Il est impossible de calculer les ressources et les combinaisons que se crée ainsi M. Maisiat pour obtenir la fabrication ce qu'on ne pourrait en espérer autrement. Le corps des lisses embrassait le métier de manière à gêner le travail, et quelquefois même le passage de la navette : le procédé de M. Maisiat n'ajoute rien au corps de l'œuvre et le laisse parfaitement découvert, ce qui facilite les recherches de l'ouvrier, l'aide dans la réparation des fautes et des accidents, et lui épargne de grandes pertes de temps. Enfin, Messieurs, le poids des lisses et leur résistance à la tire obligeaient le fabricant à employer toujours une soie plus forte que celle dont il aurait eu besoin. La résistance est tellement adoucie par le nouveau procédé que rien ne s'opposera désormais à l'emploi du titre de soie le plus propre à produire l'effet que le fabricant voudra obtenir. Une autre amélioration essentielle due à M. Maisiat tient à la manière ingénieuse dont il rattache à la marche du métier le mouvement du régulateur que l'on faisait dépendre du jeu du battant. Il en résulte que le régulateur ne fait plus de pas inutiles ; ce à quoi il était très exposé toutes les fois que l'ouvrier soulevait le battant pour quelque réparation accidentelle. La marche du régulateur ainsi assurée garantit la précision de la réduction ; le Testament de Louis XVI en offre les preuves les plus convaincantes : le cadre qui entoure le portrait du roi peut subir l'épreuve du compas ; il forme un cercle parfait. Nous aurions à vous signaler, Messieurs, plusieurs autres innovations fécondes et utiles en résultats : le système des rabats, par exemple, si perfectionné par M. Maisiat, et au moyen duquel, divisant et subdivisant sa chaîne, il peut présenter alternativement et séparément telle ou telle autre partie de la largeur de l'étoffe au travail de l'ouvrier, ce qui lui offre des moyens pour varier la fabrication. Plusieurs d'entre vous, Messieurs, ont sans doute déjà vu le chef-d'œuvre dont l'éloge a retenti dans les journaux de la capitale ; ceux qui ne l'ont pas vu pourront bientôt se dédommager de cette privation ; car M. Maisiat multipliera les épreuves de cet ouvrage ; et les curieux qui iront le visiter recevront toujours chez lui l'accueil le plus prévenant. Ce n'est pas sans dessein que je viens de me servir du mot d'épreuve ; il me semble qu'en parlant d'une aussi belle imitation des produits de la gravure et de la typographie, on peut risquer un emprunt dans le dictionnaire de ces deux arts. Effectivement, Messieurs, en voyant le Testament de Louis XVI et la Lettre de Marie-Antoinette exécutés en tissus de soie par M. Maisiat, on croit avoir sous les yeux de très beaux produits de l'imprimerie et de la gravure ; les textes semblent sortir des presses de non plus habiles typographes, et les élégantes arabesques, les portraits, les chiffres et les armoiries qui forment les cadres paraissent l'œuvre du burin le plus exercé ; tout, jusques aux traits les plus délicats, est rendu avec une netteté et une précision qu'il paraissait impossible d'obtenir dans un tissu. » À l'issue de cette lecture, la médaille est remise à Madame Maisiat, au nom de son mari absent, en même temps qu'à l'ouvrier Pierre Lanteirès, qui avait perfectionné une des opérations préparatoires de la fabrication, le pliage de la chaîne sur le rouleau du fabricant. Maisiat sollicite un brevet d'invention de dix ans qui sera accordé le 10 novembre 1827 : « Au Sieur Maisiat (Étienne) professeur à l'École spéciale de commerce de Lyon, département du Rhône et y demeurant, pour la fabrication de tissus imitant la gravure et la typographie » (brevet n° 3546). À Paris, le vicomte Héricart de Thury, après avoir pris connaissance de la recension de Régny, fait au nom du Comité des arts mécaniques un rapport sur les nouveaux procédés introduits dans les métiers à fabriquer les étoffes de soie par Étienne Maisiat, lu à la séance du 12 mars 1828, afin de proposer que soit décernée une médaille d'or à l'inventeur. Le 21 mai suivant, en séance générale, « sur le rapport de son Comité des arts mécaniques, le conseil d'administration de la Société d'encouragement a décidé qu'une médaille d'or de première classe serait décernée, en séance générale, à M. Maisiat et que pour prouver à ce professeur à quel point les heureuses innovations et les perfectionnements qu'il a introduits dans les métiers à fabriquer les étoffes de soie sont appréciés par la Société, elle ferait l'acquisition de l'exemplaire du Testament de Louis XVI qu'il a soumis à son examen et qu'il serait exposé publiquement dans ses galeries. » Le 23 mai 1828, la Chambre de Commerce de Lyon décide d'acquérir le brevet de Maisiat, en échange d'une prime de huit mille francs. Le contrat prévoit la cession pure et simple du brevet, et Maisiat s'engage à ne pas déposer de demande d'addition ou de perfectionnement à son brevet. Le 20 novembre 1838, la Société de lecture et des amis des arts a tenu une séance extraordinaire pour la distribution de médailles d'encouragement qu'elle a accordées à Pierre Chalet qui a tissé sous la direction de Maisiat Le Testament de Louis XVI et à David-Henri Strube, fabricant, qui a exécuté pour la maison Grand frères le meuble destiné à la Salle d'apparat de l'Hôtel de Ville (inv. MT 24830.1 à 6). Le Testament de Louis XVI fut aussi présenté le 22 octobre 1829 à la duchesse de Berry lors de son passage à Lyon, comme l'un des fleurons de la production lyonnaise contemporaine. Réalisation majeure, le Testament de Louis XVI avec son pendant, la Lettre de Marie-Antoinette, marque une étape déterminante dans l'histoire des portraits tissés. Depuis Philippe de Lasalle, ceux-ci n'avaient jamais été exécutés  qu'en étoffe brochée ou en velours. Avec l'invention de Maisiat, de nouvelles perspectives s'ouvraient aux fabricants qui permettaient d'imiter la gravure par le procédé de mise en carte dit « en taille-douce ». « Peut-être est-ce un contresens artistique que d'essayer d'imiter la gravure sur des tissus de soie, encore que l'éclat lumineux des blancs et la profondeur des noirs permettent d'atteindre à des effets merveilleux (...). Peut-être serait-il préférable de demander à la soie non seulement son exquise luminosité mais encore l'éclatante richesse de ses coloris. (...) Quoi qu'il en soit, l'invention de Maisiat a permis l'exécution de véritables chefs-d'œuvre », affirmait Émile Leroudier, le fils de Jean Leroudier et de Marie-Anne Haug, dessinateur de fabrique, comme son père. Le Testament de Louis XVI est emblématique de ces innovations qui jalonnent l'histoire de la Fabrique lyonnaise. À la fois produit des recherches théoriques et pratiques de son inventeur et démonstration concrète des applications industrielles qu'elles engendrent, il subordonne les moyens techniques à l'expression des aspirations politiques de son temps. Il constitue le chef-d'œuvre de Maisiat qui reprend pourtant, en 1829, son activité de tisseur à plein temps. Il reçoit commande de l'Intendance du mobilier de la liste civile pour la tenture du Salon de réception de la dauphine, à la suite de la demande du jury de 1827. En 1832, il demeure 6, place Croix-Paquet, et il enseigne à nouveau comme professeur de fabrique. En 1834, l'école de La Martinière, nouvellement créée, ouvre un cours de tissage. Maisiat est pressenti pour enseigner cette discipline. Il occupe le poste jusqu'à sa mort, survenue à Charly en 1848. Maximilien Durand (fr)
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  • On sait que l'invention de la mécanique Jacquard fut une entreprise collective, et que l'implantation des métiers possédant cette mécanique dans les ateliers fut assez progressive. Elle semble s'intensifier à partir de 1813, et gagne, autour des années 1820, la confection des grands façonnés. L'amélioration proposée par Étienne Maisiat de cette mécanique assura sans doute le triomphe du procédé, dans le domaine du portrait tissé en tout cas, par les perspectives qu'il laissait deviner. Maisiat naît à Lyon en 1794. Il est choisi pour recevoir une instruction gratuite à l'École de tissage lorsque cette dernière est créée au sein du Conservatoire des Arts. Il s'y révèle l'un des meilleurs élèves de Pierre-Henry Laselve et remporte le « prix de fabrique » en 1812. Il ouvre alors un atelier quai des Flandres et se marie en 1818. Le directeur de la nouvelle école spéciale de commerce fondée à la fin de l'année 1822 le choisit comme premier suppléant de Jacquard pour le cours de « théorie pratique sur métiers pour la fabrication de diverses étoffes de soie » où il enseigne une heure et demie par jour aux côtés du second suppléant, Bourg. Tous deux sont des anciens élèves du Conservatoire. En 1823, Maisiat remporte la médaille de bronze pour avoir présenté à l'Exposition des produits de l'industrie française, au Louvre, un portrait du roi « broché en laine, d'une grande séduction ». Il est nommé professeur en 1824, aux côtés de Jacquard lui-même. C'est en proposant une amélioration significative dans la fabrication des grands façonnés que Maisiat se rend célèbre. En 1827, il entreprend de tisser sur un métier dit « à tringles » deux singuliers tableaux, Le Testament de Louis XVI et La Lettre de Marie-Antoinette à Madame Élisabeth. « Nous aurons bientôt des livres de soie, comme les anciens avaient des livres de toile. M. Maisiat, professeur de théorie pour la Fabrique, a imaginé de faire des étoffes dont le dessin offre une fidèle imitation des produits de l'art typographique ; il prépare pour la prochaine exposition deux pièces de ce genre, l'une contenant le testament de Louis XVI, et l'autre, la lettre de Marie-Antoinette. La foule des curieux se presse dans son atelier pour y voir ce travail », comme l'indique cette annonce parue dans les Archives historiques et statistiques du département du Rhône en 1827 (tome VI, p. 223). Pour démontrer les progrès qu'il avait introduits dans le métier et leurs applications au moment du tissage, Maisiat choisit de tisser des textes, livrant un impressionnant trompe-l'œil de gravure et de typographie. Mais le choix de ces textes révèle aussi sa volonté de séduire le jury parisien de l'Exposition des produits de l'industrie française qui se tient au palais du Louvre. Dès 1793, la gravure du testament de Louis XVI a circulé sous les formes les plus diverses. Avec le retour des Bourbons, le testament participe à la propagande légitimiste, surtout avec son pendant, la dernière lettre de Marie-Antoinette, adressée à Madame Élisabeth, qui fut redécouverte en 1816 seulement. À sa lecture, Madame Royale, duchesse d'Angoulême, s'était évanouie. Les deux tableaux sont, en effet, unanimement admirés lors de leur présentation à l'Exposition. Dernière exposition de la Restauration, elle ouvre ses portes le 1er août 1827 dans les salles et la cour du Louvre. La distribution des récompenses eut lieu le 3 octobre aux Tuileries, dans le Salon de la Paix. L'inventeur du Testament de Louis XVI et de la Lettre de Marie-Antoinette à Madame Élisabeth y obtint une médaille d'or, distinction de première classe. Tour de force technique, qui emploie de fines découpures et des liages presque invisibles et nécessite une extrême régularité de battage, vu les dimensions des tableaux, le procédé de Maisiat permet de donner l'illusion d'une gravure en taille-douce. Le texte du Testament et de la Lettre est en caractères cicéro-romains, ou onze, à deux colonnes, sur format grand in-folio, avec un riche encadrement présentant des ornements dans le goût « étrusque » s'enlevant en camaïeu de gris et de blanc sur fond noir. En partie supérieure est un médaillon contenant le profil à l'antique de Louis XVI, pour le Testament, de Marie-Antoinette, pour la Lettre, entre deux génies de la Renommée dont le corps se termine par des rinceaux. En partie inférieure, l'écusson de France se trouve entre deux griffons. Au milieu des montants latéraux, des médaillons portent le chiffre des souverains, entre deux palmes, sommé de la couronne de France et accompagné des inscriptions « À la postérité » et « 1792 ». Des mufles de lions, dans les écoinçons, et des frises végétales complètent le décor. Sous l'angle gauche de l'encadrement, on lit : A Stepho Maisiat Lugdunensi anno 1827, c'est-à-dire « (Fait) par Étienne Maisiat à Lyon en 1827. » Le musée des Tissus ne conserve que l'exemplaire du Testament de Louis XVI. Le musée du Louvre possède, en revanche, également celui de la Lettre de Marie-Antoinette (inv. OA 11801) et un autre exemplaire de ce dernier est au musée des Arts décoratifs de Bordeaux (inv. 66.941). Les deux tableaux sont réalisés selon la technique du taffetas double-chaîne lancé lié à plusieurs effets. Sur un fond de taffetas produit par une chaîne blanche et une trame blanche se détache un décor produit par une trame de lancé noire, liée régulièrement en sergé 2 lie 1 par les fils d'une chaîne noire. La chaîne noire a été découpée dans les parties unies qui se trouvent en haut et en bas du décor. Elle n'existe pas dans les parties unies latérales. La trame noire n'existe pas non plus dans les bordures unies latérales. Elle se crochète aux limites du décor avec une trame blanche formant une sorte de côtelé différent du taffetas du fond. Le trompe-l'œil est si réussi que le typographe Firmin Didot lui-même s'y méprend quand on lui présente les tableaux tissés : il admire la qualité de l'impression du texte sur la soie, avant d'être détrompé. Il s'agit bien d'un décor tissé, ce dont Didot ne se persuade qu'avec difficulté. La qualité d'exécution des deux portraits des souverains dans les médaillons est également admirée. Étienne Maisiat en exécutera d'ailleurs des versions indépendantes, elles aussi signées, comme en témoignent deux exemplaires du musée des Tissus (inv. MT 2159.1 et MT 2159.2). En 1834, c'est elle qui est mise en avant dans le Rapport du jury central qui mentionne « les plus admirables de tissus de soie que la Fabrique eut encore produits, les deux portraits de Louis XVI et Marie-Antoinette, égalant par le fini la gravure en taille-douce avec le testament de ce prince et la lettre de Marie-Antoinette à Madame Élisabeth. Les caractères des deux écrits étaient tissés avec tant d'art et de précision que l'envers offrait la même pureté de formes et de linéaments que les impressions renversées sur les caractères d'une planche d'imprimerie, et qu'ils égalaient la beauté d'une impression très soignée. Le système de M. Maisiat pour accomplir ce chef-d'œuvre est simple ; il est susceptible d'applications nombreuses qui produiront des effets nouveaux dans le tissage de soieries. » L'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, soucieuse de promouvoir l'industrie lyonnaise, fait établir un rapport sur l'invention de Maisiat en vue de lui décerner une médaille d'encouragement fondée par le duc de Plaisance. Le rapport est lu par Régny dans la séance publique du 13 septembre 1827, tenue dans la salle de la Bourse (réfectoire de l'ancienne abbaye Saint-Pierre). Il décrit ainsi l'invention de Maisiat : « Le principal changement qu'a fait Maisiat dans la disposition du métier consiste dans la suppression des lisses, remplacées par de légères broches en fer qui remplissent leur office avec de notables avantages. Les lisses occupaient trop de place sur le métier pour qu'on pût les multiplier autant que l'auraient exigé certains ouvrages. On ne pouvait guère employer plus de 20 lisses à la fois : le Testament de Louis XVI que vient d'exécuter avec tant de succès M. Maisiat a exigé l'emploi de 48 brochettes, et d'après ce nouveau procédé on pourrait sans inconvénient en porter le nombre à 400 sur un même métier. Il est impossible de calculer les ressources et les combinaisons que se crée ainsi M. Maisiat pour obtenir la fabrication ce qu'on ne pourrait en espérer autrement. Le corps des lisses embrassait le métier de manière à gêner le travail, et quelquefois même le passage de la navette : le procédé de M. Maisiat n'ajoute rien au corps de l'œuvre et le laisse parfaitement découvert, ce qui facilite les recherches de l'ouvrier, l'aide dans la réparation des fautes et des accidents, et lui épargne de grandes pertes de temps. Enfin, Messieurs, le poids des lisses et leur résistance à la tire obligeaient le fabricant à employer toujours une soie plus forte que celle dont il aurait eu besoin. La résistance est tellement adoucie par le nouveau procédé que rien ne s'opposera désormais à l'emploi du titre de soie le plus propre à produire l'effet que le fabricant voudra obtenir. Une autre amélioration essentielle due à M. Maisiat tient à la manière ingénieuse dont il rattache à la marche du métier le mouvement du régulateur que l'on faisait dépendre du jeu du battant. Il en résulte que le régulateur ne fait plus de pas inutiles ; ce à quoi il était très exposé toutes les fois que l'ouvrier soulevait le battant pour quelque réparation accidentelle. La marche du régulateur ainsi assurée garantit la précision de la réduction ; le Testament de Louis XVI en offre les preuves les plus convaincantes : le cadre qui entoure le portrait du roi peut subir l'épreuve du compas ; il forme un cercle parfait. Nous aurions à vous signaler, Messieurs, plusieurs autres innovations fécondes et utiles en résultats : le système des rabats, par exemple, si perfectionné par M. Maisiat, et au moyen duquel, divisant et subdivisant sa chaîne, il peut présenter alternativement et séparément telle ou telle autre partie de la largeur de l'étoffe au travail de l'ouvrier, ce qui lui offre des moyens pour varier la fabrication. Plusieurs d'entre vous, Messieurs, ont sans doute déjà vu le chef-d'œuvre dont l'éloge a retenti dans les journaux de la capitale ; ceux qui ne l'ont pas vu pourront bientôt se dédommager de cette privation ; car M. Maisiat multipliera les épreuves de cet ouvrage ; et les curieux qui iront le visiter recevront toujours chez lui l'accueil le plus prévenant. Ce n'est pas sans dessein que je viens de me servir du mot d'épreuve ; il me semble qu'en parlant d'une aussi belle imitation des produits de la gravure et de la typographie, on peut risquer un emprunt dans le dictionnaire de ces deux arts. Effectivement, Messieurs, en voyant le Testament de Louis XVI et la Lettre de Marie-Antoinette exécutés en tissus de soie par M. Maisiat, on croit avoir sous les yeux de très beaux produits de l'imprimerie et de la gravure ; les textes semblent sortir des presses de non plus habiles typographes, et les élégantes arabesques, les portraits, les chiffres et les armoiries qui forment les cadres paraissent l'œuvre du burin le plus exercé ; tout, jusques aux traits les plus délicats, est rendu avec une netteté et une précision qu'il paraissait impossible d'obtenir dans un tissu. » À l'issue de cette lecture, la médaille est remise à Madame Maisiat, au nom de son mari absent, en même temps qu'à l'ouvrier Pierre Lanteirès, qui avait perfectionné une des opérations préparatoires de la fabrication, le pliage de la chaîne sur le rouleau du fabricant. Maisiat sollicite un brevet d'invention de dix ans qui sera accordé le 10 novembre 1827 : « Au Sieur Maisiat (Étienne) professeur à l'École spéciale de commerce de Lyon, département du Rhône et y demeurant, pour la fabrication de tissus imitant la gravure et la typographie » (brevet n° 3546). À Paris, le vicomte Héricart de Thury, après avoir pris connaissance de la recension de Régny, fait au nom du Comité des arts mécaniques un rapport sur les nouveaux procédés introduits dans les métiers à fabriquer les étoffes de soie par Étienne Maisiat, lu à la séance du 12 mars 1828, afin de proposer que soit décernée une médaille d'or à l'inventeur. Le 21 mai suivant, en séance générale, « sur le rapport de son Comité des arts mécaniques, le conseil d'administration de la Société d'encouragement a décidé qu'une médaille d'or de première classe serait décernée, en séance générale, à M. Maisiat et que pour prouver à ce professeur à quel point les heureuses innovations et les perfectionnements qu'il a introduits dans les métiers à fabriquer les étoffes de soie sont appréciés par la Société, elle ferait l'acquisition de l'exemplaire du Testament de Louis XVI qu'il a soumis à son examen et qu'il serait exposé publiquement dans ses galeries. » Le 23 mai 1828, la Chambre de Commerce de Lyon décide d'acquérir le brevet de Maisiat, en échange d'une prime de huit mille francs. Le contrat prévoit la cession pure et simple du brevet, et Maisiat s'engage à ne pas déposer de demande d'addition ou de perfectionnement à son brevet. Le 20 novembre 1838, la Société de lecture et des amis des arts a tenu une séance extraordinaire pour la distribution de médailles d'encouragement qu'elle a accordées à Pierre Chalet qui a tissé sous la direction de Maisiat Le Testament de Louis XVI et à David-Henri Strube, fabricant, qui a exécuté pour la maison Grand frères le meuble destiné à la Salle d'apparat de l'Hôtel de Ville (inv. MT 24830.1 à 6). Le Testament de Louis XVI fut aussi présenté le 22 octobre 1829 à la duchesse de Berry lors de son passage à Lyon, comme l'un des fleurons de la production lyonnaise contemporaine. Réalisation majeure, le Testament de Louis XVI avec son pendant, la Lettre de Marie-Antoinette, marque une étape déterminante dans l'histoire des portraits tissés. Depuis Philippe de Lasalle, ceux-ci n'avaient jamais été exécutés  qu'en étoffe brochée ou en velours. Avec l'invention de Maisiat, de nouvelles perspectives s'ouvraient aux fabricants qui permettaient d'imiter la gravure par le procédé de mise en carte dit « en taille-douce ». « Peut-être est-ce un contresens artistique que d'essayer d'imiter la gravure sur des tissus de soie, encore que l'éclat lumineux des blancs et la profondeur des noirs permettent d'atteindre à des effets merveilleux (...). Peut-être serait-il préférable de demander à la soie non seulement son exquise luminosité mais encore l'éclatante richesse de ses coloris. (...) Quoi qu'il en soit, l'invention de Maisiat a permis l'exécution de véritables chefs-d'œuvre », affirmait Émile Leroudier, le fils de Jean Leroudier et de Marie-Anne Haug, dessinateur de fabrique, comme son père. Le Testament de Louis XVI est emblématique de ces innovations qui jalonnent l'histoire de la Fabrique lyonnaise. À la fois produit des recherches théoriques et pratiques de son inventeur et démonstration concrète des applications industrielles qu'elles engendrent, il subordonne les moyens techniques à l'expression des aspirations politiques de son temps. Il constitue le chef-d'œuvre de Maisiat qui reprend pourtant, en 1829, son activité de tisseur à plein temps. Il reçoit commande de l'Intendance du mobilier de la liste civile pour la tenture du Salon de réception de la dauphine, à la suite de la demande du jury de 1827. En 1832, il demeure 6, place Croix-Paquet, et il enseigne à nouveau comme professeur de fabrique. En 1834, l'école de La Martinière, nouvellement créée, ouvre un cours de tissage. Maisiat est pressenti pour enseigner cette discipline. Il occupe le poste jusqu'à sa mort, survenue à Charly en 1848. Maximilien Durand (fr)
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