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| - Plusieurs fragments de cette soierie sont aujourd'hui dispersés entre le musée des Tissus de Lyon (inv. MT 2013.0.18 et MT 26812.38, ce dernier déposé au musée du Louvre), le musée du Louvre (inv. E 29225) et le musée de la Mode et du Textile, aux Arts décoratifs, à Paris (inv. D 15367). Deux autres fragments, prélevés par Gabriel Vial, ancien secrétaire général technique du Centre international d'étude des textiles anciens au musée des Tissus de Lyon, ont malheureusement été dispersés en vente publique sans que le musée des Tissus puisse faire reconnaître sa propriété, pourtant inaliénable et imprescriptible, à Drouot-Richelieu, les 14 et 15 novembre 2006. Ils constituaient le lot 249 « Égypte, période sassanide, deux fragments de samit » (p. 44).
Les fragments lyonnais et ceux du Louvre ont été publiés par erreur comme provenant de la tombe B 106, à Antinoé, où reposait en réalité l'« Amazone païenne ». Le costume complet de cette défunte, à l'exception de son bonnet (Paris, musée du Louvre, inv. E29498) et de ses bottes de cuir rouge (non localisées à ce jour), est conservé au musée des Tissus (manteau : inv. MT 2013.0.35 ; bourrelet : inv. MT 47556 ; robe : inv. MT 28520.43 ; ceinture : inv. MT 2013.0.36 ; chemise : inv. MT 24400.615.1 et MT 24400.615.2). La découverte et la publication d'un dessin inédit de Jules-Paul Gérard (1874-1953), conservé dans une collection privée, a levé tout doute sur l'attribution des soieries à une autre sépulture de la nécropole antinoïte, la tombe B 114. Le contenu de cette sépulture a été présenté, à l'issue de la troisième campagne de fouilles sur le site, entre mai et juin 1898 au musée Guimet de Paris, avant de rejoindre les collections du musée des Tissus. Il occupait la neuvième vitrine de l'exposition parisienne. Albert Gayet, l'archéologue du site, décrit ainsi la vitrine dans son Catalogue des objets recueillis à Antinoé pendant les fouilles de 1898 : « B 114 - Manteau d'homme, à longues manches, en bourre de soie pourpre d'Orient. Revers garnis de soie bleue, brochée de losanges, médaillons quadrilobés, pois et carrés ornemanés. Galons de devant de chemise et de poignets gris-jaune, losanges jaunes et verts, motifs ornementaux verts et roses. Le linceul a laissé une trace sur ce manteau. Fleur polychrome, applique du linceul. »
Le croquis de Jules-Paul Gérard, quoique tracé très rapidement, est extrêmement fidèle aux vestiges conservés de ce costume. Ces derniers, qui avaient été déposés à Stockholm, ont rejoint récemment les collections du musée des Tissus. En 1965, en effet, Agnès Geijer, qui s'intéressait aux vêtements en laine grattée découverts à Antinoé, consulta les nombreux fragments du musée des Tissus et convainquit l'institution de les déposer, pour étude et restauration, à l'atelier du Riksantikvarieämbetet och Statens historiska museet de Stockholm. Les manteaux du « haut dignitaire » Achille (tombe B 281 ; inv. MT 34872) et du « scribe » Pamias (tombe C 395 ; inv. MT 34872 bis) firent l'objet d'une remarquable restauration. Le premier revint au musée des Tissus en 1968, le second resta en dépôt à Stockholm, en dédommagement de la restauration, jusqu'en 1993. Lors de la restauration, en 1989, du manteau de couleur turquoise de l'occupant de la tombe B 288 (inv. MT 47554), d'autres fragments turquoise et carmin furent restitués par le musée de Stockholm au musée des Tissus. Parmi eux se trouvait le grand revers droit du manteau du « haut fonctionnaire » de la tombe B 148 (inv. MT 2013.0.33), identifiable grâce à ses parements appliqués et aux restes de la soierie qui le garnissait, identique aux fragments qui étaient conservés séparément du vêtement (inv. MT 40315). Le manteau complet de ce« haut fonctionnaire » (inv. MT 2014.0.22), celui du défunt de la tombe B 114 (2014.0.23), des fragments du manteau de la tombe C 322 (inv. MT 2014.0.24) et la jambière droite du « scribe » Pamias (inv. MT 2014.0.21) ont naguère été redécouvert à Stockholm, où ils étaient restés. Ils ont rejoint les collections du musée des Tissus en 2014.
Sur le dessin de Jules-Paul Gérard (seule la moitié gauche du vêtement a été dessinée) et sur les fragments conservés du manteau B 114, on constate que la soierie garnissait largement le revers du manteau, le départ de l'encolure, sur les épaules et les bordures du vêtement. Les traces de couture et les vestiges subsistant sur le manteau montrent qu'elle garnissait aussi le bas des manches, et qu'elle dissimulait les coutures d'assemblage, dans le dos, notamment.
Albert Gayet décrit une « soie bleue, brochée de losanges, médaillons quadrilobés, pois et carrés ornemanés. » Jules-Paul Gérard reproduit fidèlement deux détails des ornements, le premier concernant l'organisation losangée du décor, le second, les éléments distincts qui le composent. Des quadrilobes, timbrés d'une fleur de marguerite à huit pétales, sont entre quatre losanges posés sur la pointe, disposés en carré. Au cœur des losanges apparaît un médaillon contenant une rosette à quatre pétales. Tout autour du quadrilobe, à l'intérieur du cadre défini par les côtés des losanges, apparaît un autre losange, formé par des petits médaillons inscrivant une étoile à huit branches, et des carrés contenant une svastika.
Sur le fragment du musée des Tissus, un fragment de la lisière de la soierie est conservé. Elle est composée de trois cordelines, formées par un retors S de multiples bouts (une cinquantaine) de fils de soie de même qualité que la chaîne.
Une datation au radiocarbone des fragments conservés au musée du Louvre indique que la soierie a été produite entre 420 et 580. Ces résultats concordent avec ses caractéristiques techniques. Elle a été tissée sur des fils de chaîne pièce et liage en soie, poil de torsion Z, de couleur brun-rouge, avec une proportion de un fil pièce pour un fil de liage (découpure de un fil pièce, environ vingt-cinq fils de chaque chaîne par centimètres). Les lats qui constituent la passée, au nombre de trois, par trois bouts de soie assemblés sans torsion apparente, ont une proportion de un coup de chaque, le premier, bleu foncé, le deuxième, jaune clair, le troisième, interrompu, rouge orangé. La découpure est de une passée, et on compte entre quarante-deux et quarante-huit passées par centimètre. Les fils de liage croisent en sergé de 2 lie 1, direction S. Dans le bleu, l'effet de sergé chevronne, mais on ne constate pas d'erreur de tissage au passage entre le fond et les décors.
Par la proportion de ses chaînes, le nombre et le rythme d'introduction des trames et la direction du sergé du liage, le samit s'inscrit dans la tradition méditerranéenne de tissage, et plus particulièrement dans celle qui est attribuable aux ateliers d'Antinoé aux environs du VIe siècle. L'organisation du décor en réseau losangé, rythmé par des quadrilobes et des losanges sur la pointe, rappelle celle de soieries également découvertes à Antinoé, sur fond bleu (inv. MT 26812.3), ou de leurs imitations en tapisserie, comme sur la partie inférieure d'une paire de jambières historiées découverte en 1908 et dispersée entre le musée des Tissus (inv. MT 28928) et le musée du Louvre (inv. E29323). La datation au radiocarbone de la jambière du Louvre situe sa production entre 530 et 650. Rappelons que la production des manteaux en laine grattée semble s'échelonner majoritairement entre le Ve siècle et le milieu du VIIe siècle.
Maximilien Durand (fr)
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