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  • En 1787, l'abbé Pierre Bertholon, dans son ouvrage Du commerce et des manufactures distinctives de la ville de Lyon, publié à Montpellier, rappelle les progrès que Philippe de Lasalle, dessinateur, fabricant et négociant, a introduits dans le tissage des étoffes riches, par ses talents de dessinateur et par ses inventions (p. 195-196) : « Cet illustre dessinateur et fabricant, bien digne des honneurs et des bienfaits que le Souverain a versés sur lui, profitant des coups de lumière que Revel avait donnés, se fraya une route nouvelle par des nuances mélangées résultantes de la multiplication des lacs. On vit alors sur les étoffes, ce qui étonna, des fleurs et des fruits imitant parfaitement la nature, des pêches avec leur velouté, des raisins avec leur transparent, des oiseaux avec toute la richesse et la pompe de leur coloris, des paysages charmants où les lointains habilement placés faisoient l'illusion la plus ravissante. Jusqu'à lui, on avait jamais exécuté ces brillantes représentations avec cette correction, cette légèreté et cette fraîcheur dans le dessin qui le caractérisent. » L'abbé Bertholon rappelle ensuite les plus grands chefs-d'œuvre sortis des métiers de Philippe de Lasalle : « De cette Manufacture sont sortis les ornements pour le Sacre de Louis XVI, les belles étoffes connues sous le nom de la Renommée, du Jardinier, de la Bouquetière, etc... charmantes compositions ; mais pour l'effet et la magnificence, rien n'est comparable au faisan et au paon de la Chine. » Il ajoute : « Cet habile négociant a aussi exécuté sur le métier les portraits de Louis XV, celui de Madame et de l'Impératrice de Russie, avec une vérité étonnante. Ce n'est plus la palette et le pinceau qui, par le secours des couleurs, représentent les traits des Personnes chéries, c'est l'humble navette sous les doigts même de l'ouvrier le plus ignorant, et presque sous ceux d'un automate. Pour tracer sur le métier un portrait de la plus parfaite ressemblance, même sans la magie des couleurs, il n'emploie que le blanc et le gris nuancé avec art, c'est-à-dire le blanc jusqu'au gris foncé qui forme cinq gradations. Les cinq nuances de gris en forment dix par la manière de peindre le portrait sur le papier réglé, en formant les hachures. Par ce moyen si simple, le bas-relief est si bien imité et l'illusion est tellement complète qu'on a peine à en revenir, lors même qu'on en est averti. » Philippe de Lasalle est toujours actif au moment où ce texte est écrit, et sa réputation est telle qu'on associe son nom, chose inédite alors, à des étoffes que chacun peut reconnaître, portant même des titres (La Renommée, Le Jardinier, La Bouquetière, Le faisan et le paon de Chine...) comme s'il s'agissait de véritables œuvres d'art. La comparaison avec les Beaux-Arts est même clairement établie lorsque l'auteur évoque le Portrait de Louis XV, celui de la comtesse de Provence et celui de Catherine II. Le médaillon avec un décor allégorique figurant Vénus couronnant la fidélité, s'il ne figure pas dans la liste des étoffes établie par l'abbé Bertholon, est cependant représentatif des innovations apportées par Philippe de Lasalle, tant du point de vue du dessin que de celui de la technique. C'est d'abord pour avoir renouvelé le dessin de fabrique que Philippe de Lasalle acquiert une certaine réputation. Dès le 8 décembre 1758, il obtient sa première pension annuelle, qui s'élève à six cents livres, pour encourager ce renouveau qu'il est en train d'opérer. Le contrôleur général des finances, dans une lettre adressé à Jean-Baptiste-François de la Michodière, intendant de Lyon, justifie ainsi cette gratification : « C'est moins pour récompenser le S(ieu)r de la Salle fabriquant et dessinateur à Lyon de son exacte probité et de son zèle et des talents supérieurs dans l'art de dessiner les étoffes dont j'ay reçu de touttes parts les témoignages les plus avantageux et dont j'ay rendu compte au Roy que pour luy en témoigner sa satisfaction et luy donner preuves en même temps de sa protection, que sa majesté veut bien [...] luy accorder une pension annuelle [...]. » Dans la réponse que Philippe de Lasalle fait au contrôleur général pour le remercier, il témoigne déjà de ses difficultés financières — elles seront récurrentes au cours de sa carrière — mais il se dit « heureux si cette première faveur me met à même d'en mériter de plus importantes a ma situation et aux pertes ou l'ardeur d'acquérir quelque gloire dans mon talent par des routes nouvelles m'avoit imprudemment conduit. J'ay trouvé mon refuge dans l'appui que vous avez accordés aux arts et aux talents, et je dois à votre Grandeur de m'avoir empêché de succomber entièrement. » Le 27 décembre 1758, Philippe de Lasalle obtient en plus une gratification de deux mille livres pour ses dépenses pendant un séjour à Paris, somme prise sur le produit des droits des étoffes étrangères qui se perçoivent à Lyon. Une autre pension lui est encore accordée le 1er février 1760 pour la prise en charge d'élèves dessinateurs. Il succède dans cette fonction à Dacier, spécialisé dans les damas — dessins pour ameublement en deux et trois couleurs — auquel le surintendant de Machault avait accordé, par une lettre adressée de Versailles au Consulat lyonnais le 6 mai 1756, une pension annuelle de six cents livres pour accueillir six élèves avec la possibilité de toucher, s'il y a lieu, une gratification. Dacier était alors poursuivi par ses créanciers. Son collègue Antoine-Nicolas Joubert de l'Hiberderie (1715-1770), dans son ouvrage Le dessinateur, pour les fabriques d'étoffes d'or, d'argent et de soie, publié à Lyon en 1765, déclare que « ses desseins étoient marqués à ce coin de perfection & de grandeur qui caractérisent le génie, & où jamais aucun Dessinateur n'a pu atteindre : aussi la Ville de Lyon a-t-elle récompensé ses talens par une pension dont il a peu joui. » Quant à Philippe de Lasalle, il s'attache, durant cette période, à perfectionner le dessin des étoffes brochées pour meubles. Dans une lettre datée du 3 janvier 1760, il évoque une imitation de fourrure qu'il a exécutée quatre ans plus tôt et qui était alors extrêmement innovante, et l'introduction, dans le tissage, des motifs de paysages, d'oiseaux ou de personnages : « Vous n'ignorez point que l'art s'acquiert par l'émulation, et les grands exemples ; le travail et mes observations sur les ouvrages de ceux qui se sont distingués dans la carrière que je suis ont seuls formé mes talents ; plus d'ardeur encore à mériter la protection que vous leur accordez peut leur procurer un jour cette célébrité qui offre des modèles à imiter et excite d'autres génies qui la surpassent : ainsi parmi nous dès qu'un morceau frappant est sorti de la main d'un artiste habile il est levé et porté sous les yeux de chaque concurrent qui cherche les moyens de se le procurer et fournit souvent par son caractère ou la mode de la saison ou l'exemple d'un beau sujet. Lorsque j'eus traité en 1756 une peau de tigre travaillée avec un peu d'art sur un fond d'or, on vit éclore dans chaque fabrique des desseins pleins de goût représentant diverses fourrures ; il en fut de même en d'autres temps lorsque j'introduisis des paysages, oiseaux et personnages. » Philippe de Lasalle caractérise donc son travail, en 1760, par l'élaboration de dessins nouveaux et leur traitement avec art, et notamment par l'introduction de personnages dans le tissage des étoffes façonnées. Il indique dans cette même lettre qu'il prépare « une étude allégorique pour la venue du Roy à Lyon et de celui des Deux-Siciles. » Philippe de Lasalle n'eut malheureusement pas l'occasion d'exposer la composition en question, comme il l'avait imaginé, puisque le séjour à Lyon de Louis XV et sa rencontre avec Charles de Bourbon fut annulée. Le musée des Tissus conserve cependant cette composition (inv. MT 2891), intitulée La Renommée. Il s'agit d'une laize de satin jaune (satin de 8, chaîne, décochement 3), ornée d'un décor en camaïeu violet à quatre lats (deux lats de liseré, deux lats de broché à liage repris, en sergé de 3 lie 1, S, par un sixième des fils). Le motif principal présente un treillage enguirlandé, sommé d'une colombe protégeant ses oisillons et érigé sur un parapet de marbre et cantonnée de fleurs, branches de lilas ou bouquets dans des vases. Sous la treille, la figure de la Renommée couronne un buste du roi Henri IV, l'ancêtre commun de Louis XV et de Charles de Bourbon. Trois médaillons contenant des oiseaux (coq, poules, colombes) occupent la partie inférieure de la laize, suspendus à des rubans, des guirlandes de fleurs ou soutenant des rangs de perles. Deux grands vases fleuris encadrent la composition. Le tissage a été exécuté sur un métier à deux chemins à pointe et bâtard. Plusieurs éléments constitutifs du répertoire ornemental de Philippe de Lasalle sont déjà présents sur cette laize, comme le treillage, les guirlandes fleuries, les rangs de perles ou les couples d'oiseaux, et la composition en médaillons. La figure de la Renommée brandissant une couronne préfigure déjà celle du médaillon figurant Vénus couronnant la fidélité. Mais en 1760, Philippe de Lasalle, qui est mentionné dans une lettre de Jean-Baptiste-François de la Michodière, intendant de Lyon, à l'intendant général des finances et conseiller du Commerce, en date du 18 janvier 1760, est « regardé comme le premier dessinateur de Lyon », n'a pas encore apporté au métier les innovations décisives auxquelles il travaille à partir de 1769-1770. Elles sont opérationnelles en 1771, lorsqu'il imagine de réaliser le Portrait de Catherine II, dont le musée des Tissus conserve un exemplaire (inv. MT 2869). Probablement exécuté sur la suggestion de Voltaire, le Portrait de Catherine II est transmis à la souveraine par ce dernier, avec une autre étoffe au décor allégorique présentant l'impératrice sous les traits de Minerve, remettant l'ordre de Saint-Georges au comte Alexeï Grigorievitch Orlov-Chesmensky (il reçut cette distinction le 26 septembre 1770). Les deux étoffes envoyées à l'impératrice sont conservées au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg (inv. T 6920 et T 6921). Pour la première fois, Philippe de Lasalle imagine de dissocier le tissage des médaillons, exécutés indépendamment, de celui du fond. Le musée des Tissus conserve la mise en carte du fond avec l'entour de fleurs (inv. MT 1701) sur lequel les médaillons ont été rapportés par broderie. Les deux médaillons, avec le portrait de l'impératrice et la scène allégorique, ont certainement été exécutés sur le métier que Philippe de Lasalle vient d'inventer, à semple mobile, qui permet de préparer une seule chaîne et de programmer, grâce au changement de semple, des dessins différents. Catherine II semble avoir été très satisfaite de ces envois, puisque Philippe de Lasalle a livré de nombreuses étoffes pour les palais de la souveraine, en 1773, 1776, 1778 et 1780, notamment. Ces livraisons pour la Russie ont constitué une partie non négligeable des revenus du fabricant pendant quelques années. Toutes ces étoffes ont été exécutées au moyen du semple mobile. La réalisation la plus exceptionnelle tissée avec ce dispositif est assurément la tenture « au paon et au faisan », dont le musée des Tissus conserve deux éléments originaux (inv. MT 1278, MT 2870) et une mise en carte pour le motif du paon (MT 22047). C'est également grâce à ce métier de son invention que Philippe de Lasalle a développé l'idée d'exécuter des médaillons ornés d'animaux ou de figures, destinés à être rapportés par broderie sur des meubles de soierie façonnée. Les modèles les plus célèbres sont Le Jardinier (inv. MT 1284) et La Bouquetière (inv. MT 2885). Ces derniers sont inspirés par les œuvres de François Boucher (1703-1770) gravées par Gilles Demarteau (1722-1776). Le médaillon avec la représentation de Vénus couronnant la fidélité procède de ces différentes évolutions initiées par Philippe de Lasalle, c'est-à-dire le dessin à figures pour les étoffes brochées, l'utilisation du métier à semple mobile et le tissage de médaillons destinés à être rapporté sur un fond de tenture tissé séparément. Il est aussi directement inspiré par une gravure de Gilles Demarteau, dédiée à Charles-Marin de La Haye des Fossés, fermier général du roi (1736-1790), d'après un dessin provenant du cabinet de ce dernier, réalisé par François Boucher. La gravure est exécutée en manière de crayon, impression en sanguine. Elle montre une jeune femme faisant offrande d'un cœur et de guirlandes de roses sur un autel portant l'inscription AVTEL DE L'AMITIE ; deux amours se tiennent l'un près de sa jambe, le second de l'autre côté de l'autel (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 19184 LR et 19185 LR). La scène a également été gravée avec quelques variantes par Ange-Laurent Lalive de Jully (1725-1779) sous le titre Amor et Gratitudo (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 18761 LR), et peinte en miniature par Jacques Charlier (1706-1790) (Paris, musée du Louvre, Cabinet des dessins, inv. RF 4271).  Le médaillon a été tissé sur une chaîne en organsin de soie ciel (torsion S de deux bouts, 150-152 fils par centimètres), en satin (de 8, chaîne, décochement 3), au moyen de deux lats liseré et trois lats de broché à liage repris en sergé (de 3 lie 1, S, par un sixième des fils, soit 25 fils de liage repris par centimètre) en soie (assemblé sans torsion apparente de deux ou trois bouts) blanche, jaune clair, ocre jaune, brun clair et brun plus soutenu (23-25 passées par centimètre, à raison de deux coups de fond, un coup de chaque lat de liseré ou de broché selon le décor ; découpure : 10 fils et une passée). Le dessin comprend des effets de « points rentrés » ou « berclé. » Ces caractéristiques techniques confirment l'attribution du médaillon à Philippe de Lasalle, tout comme la nature du dessin lui-même. La composition présente la déesse Vénus, drapée dans un manteau qui lui découvre les épaules, la poitrine et une jambe, surgissant d’une nuée, précédée par un couple de colombes, qui s’apprête à couronner un chien faisant le beau, dressé sur un fût de colonne. Le décor est traité en camaïeu de beige sur un fond ciel. Le musée des Tissus conserve la mise en carte de ce médaillon (inv. MT 2015.0.12), qui correspond à la programmation du dessin sur un semple. Elle est peinte à la gouache sur un papier réglé de 8 en 11, directement dans les couleurs définitives du médaillon, conformément à l'habitude de Philippe de Lasalle. Elle compte trois cent trente-six cordes de carte (découpure chaîne, correspondant au nombre de cordes de rame au chemin qui a pu être calculé sur le médaillon) et quatre cent cinquante-six coups de carte (correspondant au nombre de découpures trames au chemin sur le médaillon). Le filet blanc qui, sur la mise en carte, constitue la bordure du médaillon n'a pas été tissé sur ce dernier. Un repli d'un demi centimètre borde le médaillon. Il est maintenu par couture au point avant au moyen d'un cordonnet de soie crème (retors S de trois ou quatre bouts de faible torsion S). Ce repli prépare l'application du médaillon sur le fond pour lequel il était destiné. Le musée des Tissus conserve une laize de lampas, fond satin, broché nuances avec un médaillon figurant Vénus couronnant la fidélité rapporté par broderie (inv. MT 2887).  Moins connu que Le Jardinier ou La Bouquetière, le médaillon avec Vénus couronnant la fidélité est pourtant tout à fait représentatif du travail de Philippe de Lasalle dans les années 1770-1780, à l'apogée de sa carrière. Exceptionnellement conservé avec sa mise en carte, il permet aussi de mesurer les spécificités mises en œuvre par le fabricant : l'élaboration de dessins allégoriques, dans la continuité de La Renommée ou de Catherine II en Minerve, la confection de mises en carte aux couleurs de l'étoffe finale, l'usage de camaïeu avec l'emploi des « points rentrés », comme sur les portraits de Catherine II, de Louis XV (inv. MT 45306), du comte (inv. MT 2856) et de la comtesse de Provence (inv. MT 45307) et du comte d'Artois (inv. MT 2857), et la rationalisation du tissage, grâce au semple mobile. Maximilien Durand (fr)
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