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| - Le devant de chasuble brodé faisait partie du don généreusement concédé en 2015 par la famille Truchot de pièces d'archives de la maison Truchot J. et Cie, successeurs de la maison Henry J.-A., qui fut un des principaux fabricants d'ornements d'églises dans la seconde moitié du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle.
La maison Henry J.-A., qui avait succédé en 1867 à la maison Henry Frères (Alphonse et Charles) et Jouve (Hippolyte), spécialisée dans les ornements d'églises, dorure et soieries pour ameublement, s'est vite distinguée aux grandes manifestations internationales pour la qualité de sa production et ses innovations : elle est récompensée d'une médaille d'or à l'Exposition maritime internationale du Havre en 1868, d'une médaille d'honneur à l'Exposition religieuse de Rome en 1870 et à l'Exposition internationale de Lyon en 1872, d'une médaille de progrès et d'une médaille de mérite à l'Exposition universelle de Vienne en 1873, d'une médaille d'or à l'Expositions universelle de Paris de 1878 et d'un Grand prix à l'Exposition universelle de Paris en 1889. Joseph-Alphonse Henry (1836-1913) est alors fait chevalier de la Légion d'honneur. En 1900, à l'Exposition universelle de Paris, la maison est encore gratifiée d'un Grand prix. En 1907, Joseph-Alphonse Henry cède l'entreprise à ses neveux, Jean Truchot et André Grassis. Ils la dirigent ensemble, selon les axes développés par Joseph-Alphonse Henry (la maison utilise l'appellation « ancienne maison Henry J.-A. » dans ses documents administratifs et commerciaux et continue de fournir les patrons qui ont assuré le succès de l'entreprise), jusqu'en 1919, Jean Truchot restant seul à la tête de l'établissement sous la raison commerciale Truchot J. puis, en 1925, Truchot J. et Cie.
La maison continue d'accumuler les récompenses, sous la raison Truchot J. et Grassis, puis Truchot J. En 1914, elle est membre du jury de l'Exposition internationale de Lyon. Elle obtient un Grand prix à l'Exposition nationale de Strasbourg en 1919, un diplôme d'honneur à l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925, un Grand prix à l'Exposition internationale de Leipzig et à l'Exposition française de Madrid en 1927 (elle participe la même année aux Expositions de Francfort et de Prague), à l'Exposition internationale de Barcelone en 1929, à celle de Liège et Anvers en 1930, et un diplôme d'honneur à celle de Bruxelles en 1935. Jean Truchot est alors décoré de la Légion d'honneur. La Seconde Guerre mondiale, et plus encore le Concile de Vatican II, réduisent considérablement les commandes d'ornements liturgiques. La maison Truchot J. et Cie ferme définitivement en 1977.
Parmi les pièces données au musée des Tissus par la famille Truchot figurent plusieurs exemplaires d'ornements primés à l'Exposition de Rome en 1870 ou aux Expositions parisiennes jusqu'en 1900. On compte aussi des éléments brodés (croix de chasubles, dos et devants de chasubles, mitre, étole, bourse...) qui permettent de cerner l'exceptionnelle activité de la maison dans cette branche et la qualité des réalisations.
Le devant de chasuble de forme « espagnole » est un exemple rare de la production de la maison Truchot J. dans les années 1910-1920 probablement. Il a été découpé dans un damas crème, avec un fond en satin de 5, chaîne, décochement 2, et décor en satin de 5, trame, décochement 3, tissé sur un métier équipé d'une mécanique. Le décor, issu du répertoire classique du XVIIIe siècle, est un dessin à pointe, à bouquets et feuillages, entouré d'une rivière à effet de dentelle et de rinceaux avec feuilles et fruits. La broderie, qui souligne l'encolure en arrondi des chasubles de type « espagnol », remplace aussi les galons de la colonne et de la bordure. Elle est réalisée de manière à respecter la symétrie du dessin du damas de fond. La broderie est exécutée au point lancé, au point de tige, au passé plat et au passé empiétant, au moyen de soie, de cordonnet de soie et de chenille de soie polychromes. Par ailleurs, un travail en couchure de tresses en filé métallique argent doré riant (lame enroulée en S sur une âme de soie jaune), de cannetilles frisées dorée et argentée, de cannetille dorée et de paillettes dorées vient donner plus de préciosité au décor de fleurs traitées au naturel. On reconnaît, dans la guirlande formant le galon de devant et l'encolure, des convolvulus, des œillets, des capucines, des reines marguerites et des roses. La bordure fait alterner boutons de roses et bleuets.
Le dams qui constitue le fond de ce devant de chasuble, mais aussi les points de broderie du décor et l'aspect des fleurs représentées permettent sans doute d'attribuer cette pièce aux années 1910-1920.
Maximilien Durand (fr)
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